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Le président togolais Faure Gnassingbé, à Lomé, le 25 avril 2016 (Emile Kouton/AFP).

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Repères

 

  • Superficie  environ 57 000 km².

  • Population : 7,6 millions d’habitants.

  • Capitale : Lomé.

  • Monnaie : le franc CFA.

  • Fête nationale : le 27 avril [en référence au 27 avril 1960, date à laquelle le pays acquiert son indépendance vis-à-vis de la France. Sylvanus Olympio sera son premier président jusqu’en janvier 1963. Il mourra assassiné lors d’un coup d’Etat orchestré par des militaires].

 

  • Communautés religieuses : chrétiens (47 %),  religions coutumières/traditionnelles (34 %), musulmans (18 %).

 

 

 

Faure Gnassingbé, l’indéboulonnable du Togo

24 août 2018

Là où d'autres ont terminé à genoux, lui demeure debout, droit dans ses bottes. Un an après les premières manifestations contre son régime, le président togolais, Faure Gnassingbé – 52 ans, dont treize passées au pouvoir – loin de vaciller sur son trône, semble au contraire s’y accrocher d’une main ferme.                      

 

Son arme de prédilection pour y parvenir : la répression, utilisée sans retenue contre tous ceux qui seraient tentés de lui réserver le même sort qu’à Blaise Compaoré au Burkina Faso, en octobre 2014, à savoir une « sortie forcée » sous la pression populaire. Au cours des douze derniers mois, les détracteurs du chef de l’Etat ont ainsi été embastillés, torturés et, pour certains, tués. D’autres ont fui par centaines, principalement vers le Ghana voisin.

 

Entre Faure Gnassingbé et son défunt père, Gnassingbé Eyadéma, qui avait maintenu le pays sous sa férule de 1967 à 2005, le mode de gouvernance n’est pas très différent. Le fils a d’ailleurs « perpétué les méthodes [de son géniteur] : assassinats ciblés, consolidation de l’emprise militaire sur la société, achat des consciences par des distributions d’argent et de vivres à la population, mais aussi stabilité politique sécurisante vendue aux partenaires politiques et économiques internationaux », observe Comi Toulabor, directeur de recherche au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM), à Sciences Po Bordeaux.

 

« Pour l'un comme pour l'autre, le pouvoir d'Etat doit avoir pour épicentre la famille et le groupe ethnique [en l’occurrence l’ethnie kabyé]. Dans le pays, ce pouvoir est militaire, et ce depuis le premier coup d’Etat de janvier 1963. A partir de ce promontoire, il a pu assiéger l’administration publique et, ensuite, contrôler l’économie nationale. Armée, administration publique, économie nationale : un triptyque systémique auquel il [l'actuel président] n'oserait renoncer pour rien au monde », note le chercheur.   

 

Si une large partie du peuple togolais est entrée en résistance contre son dirigeant, cela tient à l’obstination de celui-ci à vouloir enchaîner les mandats présidentiels. L’opposition souhaiterait qu'ils soient limités à deux, mais de manière rétroactive, ce qui empêcherait Faure Gnassingbé (élu en 2005, puis réélu en 2010 et 2015) de briguer une nouvelle fois la magistrature suprême en 2020. Une perspective que l'intéressé n’envisage nullement.

 

Cette intransigeance est d’autant plus forte qu'il sait pouvoir s’appuyer sur sa soldatesque, en première ligne du combat mené contre les protestataires les plus véhéments. « Malgré les désertions et les suicides récents, l’armée, pléthorique, a jusqu’ici fait preuve d’une loyauté rarement mise en doute », souligne M. Toulabor, précisant que « les officiers, pour montrer patte blanche, sont pour la plupart dans les affaires bien que leur statut leur défende expressément ».

 

A cela s’ajoute l’extrême fragmentation du paysage politique (le Togo compte officiellement 113 partis), qui joue en sa faveur. De fait, malgré plusieurs tentatives, aucune plate-forme unitaire « anti-Gnassingbé » n’a jamais émergé. « La division fait partie de l’ADN de l’opposition. Les ego se boursouflent de manière extraordinaire à la veille de chaque élection. Il y a déjà eu des coalitions de partis, comme actuellement la C14 (Coalition de 14 partis d’opposition), mais elles ne durent que l’espace d’un matin, comme les roses », remarque Comi Toulabor.   

 

Adepte madré du « diviser pour mieux régner », Faure Gnassingbé a d’ailleurs accueilli avec satisfaction la suggestion des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), lesquels, à l’issue du sommet de Lomé, fin juillet, ont plaidé en faveur de la tenue d’un scrutin législatif au Togo d'ici à la fin de l'année. Impensable pour les contempteurs du président, persuadés à l’avance qu'il ne pourrait être que « frauduleux » et, partant, caduc.

 

Alors qu'une médiation entre les différents acteurs de la crise a été engagée sous les auspices de la Cédéao – les présidents ghanéen, Nana Akufo-Addo, et guinéen, Alpha Condé endossant le rôle de « facilitateurs » –, les organisations de la société civile (OSC) espèrent un changement positif. Faute de quoi le problème intérieur togolais serait susceptible d’avoir des répercussions régionales encore plus lourdes. Il y a peu, Paul Silly, de Togo Debout, déclarait ainsi à RFI : « Si le président ghanéen ne nous aide pas à résoudre ce problème, il y aura davantage de réfugiés au Ghana. »       

 

Au-delà des OSC, certains dignitaires religieux plaident pour un aggiornamento des mentalités. C’est le cas du père Pierre Marie-Chanel Affognon, aumônier national des cadres catholiques du Togo, qui, dans une lettre ouverte datée du 1er août, a exhorté les responsables politiques à dépasser leurs « intérêts personnels, ethniques, claniques et partisans » pour œuvrer en faveur du « bien commun, qui est en réalité le bien supérieur de notre nation ».  

 

« La situation est très grave et la dignité de notre valeureux peuple exige de vous des actes concrets de vie, et non un accroissement de la logique politique de la mort », leur a-t-il rappelé, estimant qu’ils étaient à la hauteur de cette tâche, pour peu qu’ils en eussent la volonté. Mais l’ont-ils vraiment ? Il est permis d’en douter.

 

Dans ses vœux du début d’année, Faure Gnassingbé avait déclaré ne pas vouloir « s’appesantir » sur certains « épisodes regrettables » – des « manifestations politiques violentes », selon ses dires. Il avait au contraire insisté sur le respect de ses engagements, que ce soit en matière d'assainissement des finances publiques, de rationalisation des dépenses ou d'inclusion sociale.      

 

« J'ai foi en notre capacité à transcender nos divergences pour faire évoluer le cadre institutionnel et politique, tout en préservant le tissu social. Pour cela, je reste convaincu que l’unique voie de sortie qui nous permette de retrouver le chemin du progrès reste le dialogue », déclamait-il. Une conviction teintée de mensonge ?

 

Dans le journal togolais Le Correcteur du jeudi 16 août, le journaliste Kokou Agbemebio ne masquait pas son scepticisme. « Faure Gnassingbé peut bien s’abriter derrière les balises de l’institution régionale [la Cédéao] pour opérer sa mue », écrivait-il. Avant de conclure froidement : « Le contraire ne peut conduire le Togo qu’à l’irréparable. »                  

 

Aymeric Janier

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