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Des Hongkongais participent à un rassemblement en faveur de la démocratie à proximité du siège du gouvernement local, le 31 août 2014 (Alex Ogle/AFP).

 

 

 Hongkong (fiche d'identité)

 

  • Statut : région administrative spéciale sous administration chinoise, située au sud-est de Canton

  • Population : 7,2 millions d’habitants

  • Superficie : 1 098 kilomètres carrés

  • Langues principales : chinois (principalement cantonais), anglais

  • Religions principales : bouddhisme et taoïsme

  • Devise : dollar hongkongais

  • Revenu national brut par habitant : 38 420 dollars américains en 2013 (soit environ 29 260 euros), selon la Banque mondiale

 

 

 

Hongkong et la « démocratie verrouillée » de Pékin

 

2 septembre 2014

 

Une partie des Hongkongais escomptait un geste d’ouverture. Pékin, par calcul politico-idéologique, vient de fermer la porte à toute mue en profondeur, trahissant par là même son serment originel. Certes, les autorités chinoises ont avalisé dimanche 31 août la désignation du prochain chef de l’exécutif local au suffrage universel – une première qui fait écho à une vieille promesse formulée le 1er juillet 1997, lors de la rétrocession de ce territoire d’environ 1 100 kilomètres carrés par le Royaume-Uni (elle-même encadrée par un accord bilatéral de décembre 1984). Mais elles ont assorti cet engagement de telles conditions qu’il apparaît aujourd’hui comme une coquille vide.         

 

De fait, lors de la prochaine élection, en 2017, le nombre de candidats, nommés par un « comité largement représentatif », sera limité à deux ou trois. De surcroît, les postulants, et a fortiori le futur numéro un (jusqu'à présent élu par un collège de 1 200 membres soigneusement triés sur le volet, puis nommé par le gouvernement central de la République populaire), devront être « patriotes ». Sous-entendu : « aimer la Chine et Hongkong », et surtout s’abstenir de contrevenir d’une quelconque manière à l'orthodoxie fixée par le Parti communiste (PCC).  

 

Un verrouillage destiné, en filigrane, à privilégier ceux qui font allégeance et à écarter les profils antiloyalistes. « Pékin veut une personnalité docile, qui n’ait pas de velléités critiques. Mais ce critère essentiel prévaut depuis dix-sept ans. Cela prend seulement une dimension plus importante aujourd’hui car le prochain scrutin se tiendra au suffrage universel », explique Zhang Lun, sociologue et maître de conférences en civilisation chinoise à l’université de Cergy-Pontoise. « Les hiérarques du PCC redoutent que les électeurs hongkongais ne portent au pouvoir un dirigeant frondeur, réfractaire à la doxa officielle, ce qui pourrait générer des effets indésirables dans le sud de la Chine continentale », poursuit-il.

 

Ils veulent éviter à tout prix qu'un éventuel vent de contestation se lève et balaye la Chine continentale, comme ce fut le cas en 1989. Vingt-cinq années ont passé, mais le spectre de Tian’anmen et de ses étudiants contestataires réprimés dans le sang par l'Armée populaire de libération dans la nuit du 3 au 4 juin (300 morts, selon un rapport gouvernemental, 2 600, d’après la Croix-Rouge) rôde toujours.  

 

Deux ans après avoir pris les rênes du pays – qu’il pourrait conserver jusqu’en 2022 – le président Xi Jinping a certes engagé des réformes audacieuses, notamment en matière de lutte contre la corruption. Il a prouvé qu’il était prêt à mener une chasse impitoyable à tous les éléments véreux du PCC – qu’ils appartinssent à la base (les « mouches ») ou à l’élite (les « tigres ») comme Bo Xilai ou, plus récemment, Zhou Yongkang, l’ancien chef des services de sécurité intérieure tombé en disgrâce pour « infractions graves à la discipline du Parti ».

 

Mais le reniement de la parole donnée naguère à Hongkong montre aussi à quel point il est soucieux de consolider son autorité et de ne pas laisser ses adversaires s’engouffrer dans le moindre interstice. Pas question pour lui de voir émerger un magnat qui serait tenté de tirer parti de la richesse de la cité pour développer une base électorale concurrente de la sienne, hors du contrôle de l’appareil.    

 

A cela s’ajoute peut-être un autre dessein : endiguer toute « infiltration extérieure ». « En maintenant, voire en accroissant sa mainmise sur Hongkong, le pouvoir chinois cherche à contrecarrer d’éventuelles influences occidentales », affirme Zhang Lun.             

 

Le débat enfiévré de ces dernières semaines sur le sort de la région administrative spéciale de 7,2 millions d'habitants n'est donc pas près de s'apaiser. D'autant que les partisans de la démocratie réelle, regroupés au sein de divers mouvements civiques dont Occupy Central with Love and Peace, ont annoncé leur intention de se lancer dans une vaste campagne de désobéissance civile et de paralyser Central, le quartier des affaires. Leur hantise ? Que Hongkong devienne une « grande ville de Chine parmi d'autres » ; une pâle copie de Shanghaï, sans caractère et incapable d'écrire son propre destin.

 

Tous, cependant, ne partagent pas ce jusqu’au-boutisme. La classe moyenne, en effet, apparaît rétive à un bras de fer avec la Chine, ce qui pourrait nuire à l'économie et, partant, à ses intérêts. Tout comme les chefs d’entreprise. Certains groupes pro-PCC comme Silent Majority for Hong Kong (« la majorité silencieuse pour Hongkong ») et Caring Hong Kong Power se situent également sur la même ligne. Fait suffisamment rare pour être souligné, ils ont réussi à mobiliser plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la rue, le 17 août. Un succès toutefois remis en cause après que des rumeurs eurent circulé selon lesquelles certains manifestants auraient été payés pour faire la claque.              

 

Pour le dissident chinois Hu Jia, cité par le New York Times, le face-à-face qui se joue actuellement dans l’ex-colonie britannique entre tenants du statu quo et réformateurs est un avant-goût des batailles démocratiques à venir dans toute la Chine. « Hongkong offre un espace de liberté d’expression et d’indépendance judiciaire. C’est un miroir pour les gens du continent », argumente-t-il.      

 

« Quand on peut accomplir sa promesse sans manquer à la justice, il faut tenir sa parole », exhortait jadis Confucius, dont les idées ont infusé les civilisations d'Asie orientale. En s’arc-boutant sur le dogme, le pouvoir chinois a emprunté une autre voie. Il a pris ses distances avec la formule « un pays, deux systèmes » énoncée par Deng Xiaoping pour sceller la coexistence entre communisme d’Etat et capitalisme, et en vertu de laquelle Hongkong jouit déjà de larges prérogatives (à l’exception des affaires étrangères et de la défense, chasses gardées de Pékin). Au risque de renoncer à un pragmatisme politique de bon aloi qui, s’il avait servi de boussole, aurait sans doute permis d'obvier à la crise actuelle.

 

Zhang Lun déplore cette attitude, selon lui contre-productive à long terme : « Les dirigeants de Pékin raisonnent à l’envers. Ils sont persuadés qu’en nommant un fidèle, cela réduira le problème. Mais c’est un leurre. Par crainte et par manque de confiance, ils vont finir par obtenir tout ce que, précisément, ils veulent éviter ».

 

Aymeric Janier

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