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Le général Hosni Moubarak (à gauche) se tient, en uniforme d’apparat, au côté du président Anouar El-Sadate, lors d’une cérémonie militaire au Caire, le 6 octobre 1981. Au cours de cette parade, Sadate tomba sous les balles d'un commando d'islamistes criant « Mort au pharaon ! » (AFP)  

Carte de l'Egypte (2).jpg
Repères

 

  • Superficie : 1 000 000 km².

 

  • Population : environ 100 millions d’habitants.

 

  • Capitale : Le Caire.

  • Monnaie : la livre égyptienne.

 

  • Fête nationale : le 23 juillet [en référence à la révolution des officiers libres du 23 juillet 1952 (dirigée par Néguib et Nasser), qui renversa le roi Farouk 1er et restaura la pleine indépendance du pays après soixante-dix ans de tutelle britannique].

 

  • Communautés religieuses : musulmans sunnites, chrétiens (Coptes, qui représentent 10 % de la population).

 

 

 

Egypte : « La présidence de Moubarak est

la digne héritière de celle de Sadate »

 

 

 

29 février 2020

Il aura présidé aux destinées de l’Egypte pendant trois décennies et ce, sans discontinuer. Hosni Moubarak, qui avait été chassé du pouvoir par le soulèvement populaire de la place Tahrir, le 11 février 2011, s’est éteint, mardi 25 février 2020, à l’hôpital militaire Galaa du Caire, à l'âge de 91 ans.

 

Ancien héros de la guerre de 1973 contre Israël, cet homme issu de la classe moyenne provinciale et conservatrice, que ses concitoyens surnommaient « Hosni Kabari » – « Hosni-les-ponts », en écho à sa fièvre constructrice –, a vécu une fin de règne tourmentée, marquée par un procès qui lui a valu une condamnation à la prison à perpétuité. En cause, sa responsabilité dans l’assassinat de près de 850 manifestants lors des manifestations ayant abouti à sa chute.

 

Dans un entretien à « Relations internationales : États critiques », la journaliste et analyste politique égyptienne Catherine Gaber revient sur la trajectoire de l'ex-raïs et esquisse un bilan de son règne aux niveaux politique, diplomatique, mais aussi économique.     

>> Quel a été le parcours d’Hosni Moubarak et comment est-il parvenu à s’imposer à la tête de l’Etat ?

 

Catherine Gaber : Hosni Moubarak a été le troisième président de la République arabe d’Egypte. Il a intégré l’école militaire du Caire lorsqu’il était encore jeune. En 1967, il en a pris la direction. Il y jouissait d’une bonne réputation. Par la suite, au début des années 1970, et pendant les préparatifs discrets de la guerre d’octobre 1973 [contre l’Israël de Golda Meir], il a été choisi pour commander l’armée de l’air. Après ce conflit, Moubarak est devenu l’un des plus fervents défenseurs de la paix avec l’Etat hébreu. A l’époque, le président Anouar El-Sadate l’a choisi parmi plusieurs candidats pour devenir vice-président de la République. Il l’accompagnait dans toutes les négociations. Avant son assassinat, le 6 octobre 1981, Sadate l’avait adoubé comme son successeur.

>> Hosni Moubarak a exercé le pouvoir de manière ininterrompue de 1981 à 2011. Comment expliquer une telle longévité ? Quid des libertés publiques sous son règne ?

 

Le régime de Moubarak n’était pas un modèle de démocratie telle qu’on la connaît en Occident. Les concepts d’alternance du pouvoir, d’élections libres et de multipartisme ne faisaient pas partie de ses principes, bien qu’il ait fait preuve d’une certaine ouverture au cours de sa présidence. En effet, il a permis à des formations socialistes (Tagammu, Parti nassériste arabe démocratique) et libérales (Wafd, Al Ghad) de rejoindre la scène politique et leur a donné accès au Parlement. En 2006, il a lancé une politique de « démocratie autoritaire », en introduisant une liberté contrôlée dans le secteur des médias : les chaînes privées satellitaires égyptiennes ont été autorisées, ainsi que certains « talk shows », mais sous supervision...

>> Quel héritage politique laisse-t-il derrière lui ? Qu’en est-il sur le plan diplomatique/économique ?

 

Si l’on procède à une analyse objective de l’ère Moubarak, on peut dire qu’en ce qui concerne la politique extérieure, il est parvenu à renouer des relations diplomatiques avec les autres capitales arabes – lesquelles avaient rompu les amarres avec l’Egypte de Sadate, à l’issue du traité de paix conclu avec Israël en mars 1979 [et signé à Washington, sous l’égide du président des Etats-Unis de l’époque, Jimmy Carter].

Il a également joué un rôle majeur dans le processus de paix entre Palestiniens et Israéliens, en prenant part aux négociations qui ont abouti à la signature des accords d’Oslo entre les deux parties, en 1993. Sur le plan national, sa présidence restera marquée par la « révolution populaire » qui a mis un terme, non seulement à sa carrière politique, mais aussi à son ambition de transmettre les rênes du pouvoir à son fils Jamal.

Au niveau économique, le néolibéralisme représentait le fondement du système qu’il avait mis en place. Même si le capitalisme a été introduit dans le pays par Sadate dès les années 1970, Moubarak a accentué cette politique, en cédant par exemple le monopole de plusieurs secteurs à des firmes multinationales, comme le recyclage des déchets.

 

>> En quoi s’est-il distingué de ses deux prédécesseurs, Gamal Abdel Nasser et Anouar El-Sadate ?

 

La normalité. Moubarak était un président « normal ». Il est vrai qu’il est connu comme héros de la guerre d’octobre 1973, mais cela tient au fait qu’il était un militaire. De surcroît, il n’avait pas de couleur politique claire, contrairement à Nasser, qui avait créé un courant socialiste, le « nassérisme » [idéologie de type nationaliste et panarabe, que Nasser avait exposée dans son ouvrage intitulé La Philosophie de la Révolution, en 1953], lequel avait conquis les pays arabes dans les années 1950. Sadate, quant à lui, était « le héros de la guerre et de la paix ». On peut dire que la présidence de Moubarak est la digne héritière de ce qui a été bâti par Sadate. 

 

>> Hosni Moubarak a mené une répression féroce contre les islamistes, en particulier dans le Sinaï. Cette stratégie a-t-elle porté ses fruits ?

 

Cette stratégie a clairement échoué. Sous son règne, le nord du Sinaï est devenu un sanctuaire pour les terroristes, mais il restait contrôlable. Ces terroristes ont réussi à perpétrer plusieurs attentats dans les années 1990 jusque dans la ville de Louxor, dans le Sud. Par la suite, ils ont fondé la branche égyptienne de Daech [l’organisation Etat islamique], toujours dans le nord du Sinaï, en 2014. C’est le défi majeur auquel est confronté le régime actuel. Depuis 2018, celui-ci y multiplie les opérations afin de pacifier la zone.

 

>> Pourquoi a-t-il fini par être renversé par le peuple ?

 

Je pense qu’il a été chassé à la fois par la base et par le sommet. Ainsi, il y a eu une conjonction d’intérêts entre, d’une part, le peuple, et, d’autre part, le conseil militaire. Les citoyens se sont révoltés contre la corruption, l’injustice et l’extrême dénuement. En effet, 40 % des Egyptiens vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, et les quartiers informels représentaient 50 % de la surface habitée dans les grandes villes comme Le Caire. A cela s’ajoutait un degré élevé de népotisme. Le conseil militaire, de son côté, a rejeté toute forme d’héritage du pouvoir entre Moubarak et son fils. C’est le président de ce conseil, le maréchal Hussein Tantaoui, qui lui a conseillé de céder le pouvoir, après deux semaines de révolution.

>> Aujourd’hui, l’Egypte, dirigé par Abdel Fattah Al-Sissi, se porte-t-elle mieux ou moins bien que sous l’ère Moubarak ? Pourquoi ?    

 

Il est encore tôt pour juger l’ère du président Sissi. Le pays traverse une période délicate à la suite de deux révolutions populaires qui ont fait chuter, d’abord un système corrompu [Moubarak en 2011], puis un système islamiste totalitaire [mis en place sous la présidence de Mohamed Morsi, de 2012 à 2013]. Les Egyptiens ont vécu une phase d’insécurité et de délinquance incomparable. En outre, Sissi est le premier dirigeant politique qui a eu le courage de s’opposer à l’organisation des Frères musulmans [fondée en 1928 par Hassan Al-Banna]. Celle-ci est désormais considérée comme terroriste dans le pays.

Sur le plan international, il est au centre du multilatéralisme mondial et s’efforce de tisser des liens équilibrés avec toutes les puissances internationales. Actuellement, la relation entre Le Caire et Paris est très étroite, Paris étant le sixième investisseur étranger dans le pays. Au niveau régional, l’Egypte demeure faible et loin de l’aura dont elle jouissait sous l’ère Moubarak en tant que médiateur ou chef de file du Moyen-Orient. Elle détient cependant un avantage qui peut l’aider à revenir en force sur la scène régionale : sa non-implication dans des guerres interconfessionnelles. Sissi ne cesse de dire qu’il souhaite se tourner vers l’Afrique et insiste d’ailleurs sur « l’Egypte Africaine ». Economiquement, il reste partagé entre, d’un côté, l’ouverture économique internationale, et, de l’autre, la création d’une économie nationale, avec l’instauration de mesures populistes.

 

Propos recueillis par Aymeric Janier

 

 

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