Dewi Retno Atik, la femme du Nigérian Namaona Dennis, condamné à la peine de mort pour trafic de drogue, et son avocat quittent la prison de haute sécurité de Nusa Kambangan, à Cilacap (province de Java-Centre), le 17 janvier 2015, à la veille des exécutions programmées de six détenus, dont cinq étrangers (Dida Nuswantara/AFP).
Quelques clés sur l'Indonésie
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Superficie : 1,9 million de kilomètres carrés (près de 3,5 fois la France).
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Langue officielle : l'indonésien.
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Monnaie : la rupiah (roupie indonésienne).
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Fête nationale : le 17 août (anniversaire de l'indépendance de 1945).
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Communautés religieuses : musulmans (87%), protestants (7%), catholiques (3%), hindous (1,7%), bouddhistes (0,7%), autres (0,6%).
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Divers : l'Indonésie est un Etat archipélagique (au sens de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982) exerçant sa souveraineté sur les eaux séparant les îles de l'archipel.
Indonésie : le narcotrafic, un « fléau social »
24 janvier 2015
C'est une décision qui a provoqué une tempête diplomatique. Faisant litière des appels à la clémence lancés par plusieurs pays, l'Indonésie a passé par les armes, dimanche 18 janvier, six personnes, dont cinq étrangers – quatre hommes (un Brésilien, un Néerlandais, un Malawite et un Nigérian) et une femme (une Vietnamienne) – pour trafic de drogue. Choqués par l'extrême sévérité de cette sentence, le Brésil et les Pays-Bas ont aussitôt rappelé leur ambassadeur à Jakarta. A l'instar d'Amnesty International, les associations de défense des droits de l'homme ont, quant à elles, fustigé un verdict « rétrograde ».
Si, par le passé, la peine capitale a déjà été appliquée pour ce type de crime, c'est la première fois qu'elle l'est depuis l'installation à la présidence de Joko Widodo (alias « Jokowi »), en octobre. Les dernières exécutions, en effet, remontaient à 2013, à l'issue d'un moratoire de cinq ans sur la peine de mort. Dans un court entretien à « Relations internationales : États critiques », Pitan Daslani, journaliste au Jakarta Globe, évoque la stratégie de lutte contre les stupéfiants mise en place par le pouvoir, mais aussi ses limites dans le plus grand pays musulman de la planète.
>> Pourquoi la législation indonésienne est-elle aussi sévère en matière de narcotrafic ?
Pitan Daslani : Cette intransigeance est liée au fait que le trafic de drogue représente un fléau pour l'ensemble de la société indonésienne, surtout pour les jeunes. Preuve en est, les écoliers ne sont plus épargnés. Les trafiquants ont réussi à s'infiltrer jusqu'au cœur des établissements dans les grandes villes. Cela est particulièrement alarmant. Conscients du phénomène, les parents redoublent aujourd’hui de vigilance. Ils rencontrent régulièrement les enseignants afin d'échanger des informations et d’esquisser ensemble des pistes sur la meilleure manière de protéger les enfants, qui sont avant tout des victimes. Mais il n'est pas facile de se prémunir contre un mal qui ne cesse de s'étendre [d’après les autorités, de 40 à 50 jeunes Indonésiens mourraient chaque jour d’abus de drogue et le pays compterait environ 4,5 millions de toxicomanes sur une population totale d’environ 250 millions d’habitants, soit un taux de prévalence de 1,8 %].
Ces dernières années, la législation nationale s’est sensiblement durcie, en particulier depuis l’adoption, en octobre 2009, de la loi numéro 35 relative aux stupéfiants, sous la présidence de Susilo Bambang Yudhoyono. Elle est notamment beaucoup plus stricte envers les trafiquants, qui, dans certains cas, encourent la peine de mort [pour les consommateurs dépendants, des programmes de traitement et de réhabilitation, généralement obligatoires, sont prévus comme alternatives à l’incarcération].
Le problème est que ceux chargés de faire respecter la loi sont loin d'être eux-mêmes irréprochables. En effet, la police indonésienne, en tant qu'appareil d'Etat, ne jouit guère d'une image de respectabilité, alors qu'elle devrait au contraire représenter un modèle d'intégrité et un exemple à suivre. L'année dernière, Stadium, la grande discothèque de Jakarta-Ouest, a été fermée après qu'un policier y eut trouvé la mort des suites d'une overdose. Les médias abondent de récits d'agents pris en flagrant délit de consommation de stupéfiants et ce n'est un secret pour personne qu'en réprimant le trafic, certains d'entre eux utilisent la drogue saisie pour leur usage personnel.
>> Pourquoi le président Joko Widodo n'a-t-il pas intercédé en faveur des accusés ?
Il veut créer une sorte de « thérapie de choc » qui aurait un effet dissuasif sur les autres trafiquants. Mais, à mon sens, cette stratégie est vouée à l'échec. Le fait de recourir à la peine de mort ne mettra pas un terme au phénomène d'addiction qui est à la source même du trafic. Tant que la demande demeurera très forte, l’offre perdurera, et ce d'autant qu'il s'agit d'un commerce particulièrement lucratif qui se chiffre en milliards de dollars. Il faut donc en priorité faire baisser la demande.
>> La décision de Jakarta va-t-elle entraîner une détérioration des relations avec le Brésil et les Pays-Bas ?
Non, je suis convaincu que les relations de l’Indonésie [colonie néerlandaise jusqu’en 1949 (1)] avec ces deux pays reprendront rapidement leur cours normal. Rappeler un ambassadeur pour consultations n'a rien d'exceptionnel. Cela ne signifie pas qu’il y a rupture des liens bilatéraux. D'autres trafiquants étrangers qui se trouvent actuellement dans le couloir de la mort (ils seraient une vingtaine) seront exécutés cette année. Comme toujours, les gouvernements concernés se contenteront d'une protestation de pure forme, mais cela n'ira pas plus loin. Aucun appel diplomatique ne saurait amener l’autorité judiciaire indonésienne à réviser son jugement. Seul un mouvement mondial permettrait de faire bouger les lignes...
L’Indonésie se trouve elle-même dans une situation comparable : certains de ses ressortissants attendent l'heure de leur exécution dans les geôles saoudiennes et malaisiennes, par exemple. Jakarta n'a pas d'autre choix que de se soumettre aux lois de ces pays et de faire son maximum pour que la vie de ses détenus soit épargnée.
>> Ces exécutions peuvent-elles écorner l’image de Joko Widodo ?
Oui, absolument. Le fait qu'il n'ait pas accordé sa grâce aux condamnés, comme il en avait le pouvoir en vertu de l’article 14 de la Constitution de 1945, va, à coup sûr, ternir sa réputation de dirigeant humaniste et réformateur. Déjà, certains ont commencé à revoir le jugement qu’ils portaient sur lui. Plus il se montrera favorable à la peine capitale, plus il s’aliénera le soutien des militants des droits de l’homme à travers le pays. Si l'application de la loi est nécessaire pour discipliner les citoyens, l'exigence de justice, d'équité et de protection des droits fondamentaux ne cesse de croître dans les sociétés modernes. Est-il juste d'ôter la vie à un détenu qui a fait acte de contrition et demandé grâce de manière sincère ? Je ne le crois pas.
Propos recueillis par Aymeric Janier
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(1) Signés le 2 novembre 1949 à La Haye, les Accords de la table ronde prévoyaient le transfert inconditionnel et complet de l’ancienne colonie des Indes néerlandaises à la République des États-Unis d’Indonésie, à l’exception de la Nouvelle-Guinée occidentale (Irian barat).