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Le premier ministre japonais, Shinzo Abe (à gauche), et le président kényan, Uhuru Kenyatta, échangent une poignée de main après leur conférence de presse commune organisée à l’issue de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad), le 28 août 2016, à Nairobi (Simon Maina/AFP).

 

A propos de la Ticad

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La Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad) a été créée  afin de « promouvoir le développement, la paix et la sécurité en Afrique » à travers des partenariats multilatéraux. La première Ticad s'est déroulée en octobre 1993 (Morihiro Hosokawa était alors premier ministre). Cinq autres éditions ont été organisées depuis, en 1998, 2003, 2008, 2013 et 2016, cette dernière étant la première à avoir lieu sur le sol africain. A partir de cette année, la Ticad se tiendra tous les trois ans en Afrique et au Japon, en alternance.  

 

 

L’Afrique, théâtre des ambitions japonaises face à la Chine

5 septembre 2016

Imprimer sa marque, touches par touches. Depuis quelque temps déjà, le Japon soigne ses relations avec l’Afrique, vaste continent de 54 pays et 1,2 milliard d’habitants qui, par-delà les maux qui le déstabilisent (catastrophes naturelles, conflits, crises sanitaires, terrorisme), recèle aussi de multiples ferments de croissance.

           

Lors de la sixième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad), qui s’est achevée dimanche 28 août à Nairobi (Kenya), le gouvernement de Shinzo Abe a ainsi promis d’y consacrer 30 milliards de dollars (soit 27 milliards d’euros) d'ici à 2018, dont un tiers dans des projets d’infrastructure.

           

Cette année, plusieurs chantiers de réflexion ont été ouverts. Avec, en ligne de mire, cette triple problématique : comment favoriser une industrialisation accrue, améliorer les soins de santé et promouvoir efficacement la stabilité politique, particulièrement volatile dans certains pays (République démocratique du Congo, Centrafrique, Burundi...) ?    

           

A cette question délicate, Tokyo a sa réponse : par l’investissement. « Depuis la Ticad I (en 1993), organisée après la fin de la guerre froide, jusqu’à la Ticad III (2003), les relations nippo-africaines ont été fondées sur l’aide publique au développement. Depuis la Ticad IV (2008), le Japon a changé de cap en faveur du commerce. Au Kenya, où une trentaine de chefs d’Etat étaient présents, l’accent a été mis sur le rôle du secteur privé afin de lancer efficacement la ‘machine Afrique’ », explique Sadaharu Kataoka, professeur de relations internationales à l’université de Waseda, qui a participé à l’événement.

           

Au fil des années, le Japon a patiemment tissé sa toile. Non seulement dans des pays anglophones (Afrique du Sud, Kenya, Tanzanie, Ghana, Nigeria...), mais aussi francophones (Côte d’Ivoire, Sénégal) et même lusophone (Mozambique). Un moyen de cultiver son entregent, tout en assurant son rayonnement diplomatique et commercial, pour l’heure limité.

           

En effet, seul 1,4 % des exportations nippones était destiné à l’Afrique en 2015, selon l’Organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro). Rien d’étonnant, donc, à ce que plusieurs dirigeants de grandes entreprises comme Toyota, Canon, Honda ou encore Mitsubishi aient fait le déplacement, en quête de nouvelles parts de marché.

           

En toile de fond transparaît aussi une volonté plus stratégique, celle de ne pas laisser le champ libre à la Chine, devenue deuxième puissance économique mondiale en 2010... aux dépens de l'Archipel. De rivalité, pourtant, il n’y a guère, du moins au regard des chiffres. De fait, Pékin dispose d’une « force de frappe » nettement supérieure.

           

« Numériquement, la Chine pèse beaucoup plus lourd. Elle dispose de 51 ambassades, contre 33 pour le Japon, ce qui veut dire qu'elle est représentée partout (les trois ambassades restantes maintiennent des relations avec Taïwan, que la Chine considère comme faisant partie intégrante de son territoire). En outre, il y a près d’un million de ressortissants chinois en Afrique pour seulement 7 000 Japonais », précise M. Kataoka.

           

Ce déséquilibre patent se traduit aussi d’un point de vue comptable au niveau des transactions bilatérales. L'an dernier, les échanges commerciaux entre le Japon et l'Afrique se sont élevés à 24 milliards de dollars, bien en deçà des 179 milliards de dollars d’échanges réalisés par la Chine avec le continent, auquel elle a du reste promis une enveloppe mirifique (60 milliards de dollars) lors d’un forum équivalent à la Ticad, en décembre.        

           

A Johannesburg, la Chine a affiché sa prodigalité tous azimuts. Outre de grands projets d'infrastructures – dont l’ambitieuse mise en place d’un réseau ferroviaire à grande vitesse, d’un réseau autoroutier et d’un réseau d’aviation régional –, elle a aussi annoncé moult programmes de coopération. Parmi les secteurs visés : l’agriculture, la santé, la culture, la sécurité, la protection de la nature ou encore le « développement vert ».

           

Conscient de son retard, le Japon mise sur une différence d’approche – ce que Sadaharu Kataoka appelle « la bataille éthique », autrement dit une volonté de privilégier « la qualité plutôt que la quantité ». Face à une Chine parfois considérée comme prédatrice, peu soucieuse des travailleurs locaux et adepte de la manière forte dans sa gestion des relations sociales (comme cela a été rapporté par plusieurs organisations non gouvernementales en Zambie, au Kenya et en Tanzanie), Tokyo veut se démarquer en convainquant ses partenaires africains de son sérieux et de sa disponibilité.

           

A Nairobi, le président kényan, Uhuru Kenyatta s’est targué de ce que « l’Afrique [n’avait] pas encore été à la hauteur de son potentiel ». Un message semble-t-il reçu sans distorsion par le Japon, pour qui ce « continent du futur » vaut bien de défier le géant chinois.                 

 

Aymeric Janier

 

 

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