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Des résidents d’Alep (nord-ouest de la Syrie) marchent à travers les décombres du quartier oriental de Salaheddine (tenu par les rebelles avant d’être repris par les forces loyalistes), le 20 janvier 2017 (Hassan Ammar/AP).

 

 

Des soldats nord-coréens défilent au pas de l’oie lors de la grande parade militaire organisée le 15 avril 2017 pour célébrer le 105e anniversaire de la naissance de Kim Il-sung, le fondateur de la dynastie au pouvoir et grand-père de l’actuel dirigeant, Kim Jong-un (Wong Maye-E/AP).

 

 

Des hommes portent le cercueil de l’une des victimes de l’attaque perpétrée par les talibans contre la base militaire de Mazar-e-Charif (nord de l’Afghanistan), qui a fait au moins 140 morts, le 22 avril 2017 (Mirwais Baizhan/AP).

 

 

Des combattants progouvernementaux se rassemblent à côté d’un char qu'ils utilisent dans leur guerre contre les insurgés houthistes, à Taëz (sud-ouest du Yémen) (Anees Mahyoub/Reuters).

 

 

Une mère nourrit au sein son enfant qui souffre de malnutrition sévère dans une clinique dirigée par Médecins sans frontières (MSF), à Aweil, au Soudan du Sud, le 11 octobre 2016 (Albert Gonzalez Farran/AFP).

 

 

Des manifestants s’opposent à la police nationale bolivarienne lors d’une marche de protestation à Caracas, la capitale du Venezuela, le 10 avril 2017 (Ariana Cubillos/AP).

 

 

Le baron de la drogue mexicain, Joaquin « El Chapo » Guzman, est escorté par des soldats jusqu'à un hélicoptère, à Mexico, le 8 janvier 2016, après avoir été arrêté à la suite de sa spectaculaire évasion de la prison de haute sécurité d'Altiplano (Rebecca Blackwell/AP).

 

Un monde en crise : points chauds et lignes de faille

24 avril 2017

Depuis le début de l’année, les sismographes géopolitiques s'affolent. De l’Amérique latine aux confins de l’Asie, en passant par le Moyen-Orient et la péninsule Arabo-Persique, des mouvements telluriques plus ou moins forts nourrissent les inquiétudes légitimes des experts. « Relations internationales : États critiques » fait le point sur sept « zones de tension » du globe.

 

  • La Syrie et l’Irak, théâtre du « Grand Jeu » moyen-oriental 

 

Six ans après le déclenchement de la guerre en Syrie, qui a déjà fait plus de 400 000 morts – chiffre donné l’an dernier par l’envoyé spécial des Nations unies, le diplomate italo-suédois Staffan de Mistura (l’Observatoire syrien des droits de l’homme, l’OSDH, le situe désormais à 465 000) –, le pays semble engagé sur une voie sans issue.

Soutenu à bras-le-corps par la Russie de Vladimir Poutine et la République islamique d’Iran – la première pour préserver ses intérêts stratégiques (les bases navale de Tartous et aérienne de Hmeimim, près de Lattaquié) ; la seconde pour défendre un allié chiite – le régime alaouite de Bachar Al-Assad a, non seulement évité la chute que moult observateurs internationaux lui prédisaient, mais il a même renforcé son assise.

La défaite des insurgés à Alep (nord-ouest), en décembre 2016, a marqué un tournant majeur dans le conflit. Depuis que la deuxième ville et ex-capitale économique de Syrie est retombée aux mains des forces loyalistes, au terme de combats d’une rare violence, le pouvoir de Damas possède de nouveau un net avantage. Parallèlement, les négociations de paix censées faire taire le tumulte des armes s’enlisent, que ce soit à Genève ou à Astana (Kazakhstan).

Le bombardement au gaz sarin du 4 avril sur Khan Cheikhoun, imputé à l'armée syrienne et qui a fait 87 morts, dont 31 enfants, a paru, un bref moment, pouvoir bousculer les lignes. Mais en répliquant, trois jours plus tard, par un tir de 59 missiles de croisière Tomahawk contre la base aérienne de Chayrat, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a voulu, non pas s’impliquer dans la durée, mais démontrer qu'il n'avait pas les mêmes pudeurs que son prédécesseur. En d’autres termes, il s’agissait de renvoyer l’image d’un chef de guerre fort plutôt que d’opérer un changement de pied durable sur le plan stratégique.

A l’été de 2013, Barack Obama avait renoncé à faire usage de la force, malgré les « lignes rouges » qu’il avait lui-même préalablement fixées, à savoir l’usage d’armes chimiques par Bachar Al-Assad contre son propre peuple. Une volte-face qui, à l'époque, avait laissé certaines puissances dans l’embarras, dont la France, qui s’apprêtait à punir militairement les autorités syriennes pour le massacre de la Ghouta, dans les faubourgs de Damas (plusieurs centaines de morts et plusieurs milliers de blessés).

Prise entre le marteau de la dictature et l’enclume djihadiste, la population vit dans un état de souffrance et de déréliction extrêmes. A cet égard, les récents chiffres du Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) sont éloquents : en mars, 13,5 millions de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire. Au total, 5 millions de personnes ont fui le pays et 6,3 millions ont été déplacées de force. Un état des lieux désastreux, qui alimente de manière continue les flux migratoires, en particulier vers le Liban et la Turquie.

Seul « point de lumière » dans cet océan d’ombres, l’étau de la coalition internationale se resserre autour de Rakka, « capitale » de l’autoproclamé Etat islamique (EI) en Syrie. C’est aussi le cas dans l’Irak voisin : passée, en juin 2014, sous la férule des affidés du « calife » Abou Bakr Al-Baghdadi, Mossoul, la grande cité du Nord, est reprise quartier par quartier, maison par maison... Mais la question de « l’après » se pose déjà. Le pays va-t-il parvenir à surmonter les divisions interconfessionnelles (entre chiites et sunnites) qui le minent ? Les chrétiens d’Orient, poussés à l’exil d'une terre qu'ils habitent depuis les temps anciens, reviendront-ils et seront-ils protégés comme ils le méritent, tout comme les Yézidis, membres d’une minorité kurdophone adepte d’une religion monothéiste préislamique ? 

 

  • La péninsule coréenne, entre jeu de go et jeux de guerre

De loin en loin, la péninsule coréenne, déchirée en deux depuis la fin de la guerre de Corée (juin 1950-juillet 1953), est l’objet d’une vive agitation. Cette effervescence se produit généralement lorsque la Corée du Sud et les Etats-Unis procèdent à leurs manœuvres militaires annuelles (exercices « Key Resolve » et « Foal Eagle »). La Corée du Nord, qui considère ces bruits de bottes comme précurseurs d’une éventuelle invasion, ne manque jamais une occasion de les vilipender, promettant à l’ennemi les foudres de la guerre.

Jusqu’alors, ces rodomontades participaient d’une forme de rhétorique pavlovienne – « Je me sens agressé, donc je t’agresse ». Cette année, cependant, le ton se fait nettement plus martial. Surtout depuis que le régime de Pyongyang a compris, à travers l’exemple syrien, que l’imprévisible Donald Trump ne reculerait devant aucune initiative qu'il estime légitime (n’a-t-il pas dit que « toutes les options [étaient] sur la table », ce dont se félicite le premier ministre japonais, Shinzo Abe ?).

Chacun, de fait, est enclin à se dresser sur ses ergots, guettant la moindre réaction, le moindre frémissement de l’adversaire. A l’engagement pris par le locataire de la Maison-Blanche de « traiter » le problème nord-coréen – au besoin, de manière unilatérale –, le dirigeant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, nom officiel de la Corée du Nord), Kim Jong-un, a assuré qu’il répondrait par la « guerre nucléaire ».

L’héritier des Kim, qui a pris le pouvoir à la mort de son père Kim Jong-il, en décembre 2011, n’hésite pas à pousser au maximum le curseur de la défiance. Son emprise sur le royaume ermite en dépend. Il sait que son programme nucléaire est la meilleure des assurances-vie. Pour la RPDC, en effet, la dissuasion est une carte maîtresse qu'elle n'est pas près de laisser sortir de son jeu. L’abandonner reviendrait, dans la logique nationale (fondée sur le Songun, la priorité accordée aux affaires militaires), à commettre un suicide.

Cela explique qu’en onze ans, cinq essais nucléaires ont déjà été menés (en octobre 2006, mai 2009, février 2013, janvier et septembre 2016) et qu’un sixième est régulièrement annoncé comme étant imminent, la dernière fois le 15 avril, à la faveur des célébrations du 105e anniversaire de la naissance de Kim Il-sung (1912-1994), le grand-père de l’actuel dirigeant et « président éternel » de la RPDC. La stratégie de la tension permanente comme rempart à l'affrontement...

Face à Kim, Donald Trump ne veut pas apparaître ni faible ni velléitaire – question, là encore, d’image, de stature. S’aventurera-t-il sur le chemin de l’interventionnisme, à rebours de ce qui fut naguère son slogan de campagne : « L'Amérique d'abord » (« America First ») ? Seule certitude : il veut en finir avec la « patience stratégique » affichée par Barack Obama, qui misait en premier lieu sur les sanctions onusiennes pour asphyxier Pyongyang. Mais, en définitive, la clé du problème nord-coréen pourrait bien se trouver ailleurs, dans d’autres mains : celles de la Chine.

Jusqu’à présent, malgré les pressions réitérées de Washington, Pékin, qui plaide pour la « retenue », s’est toujours gardé d’aller au-delà du stade des remontrances envers son bouillonnant « protégé ». Une attitude prudente dictée par la volonté sous-jacente de ne pas faciliter le renversement d'un régime (et la réunification subséquente des deux Corées), qui, s’il advenait, verrait les troupes américaines échouer à ses portes... 

 

  • L’Afghanistan, le Pakistan et l’enracinement de la terreur

Près de seize ans après le début de l’engagement des Etats-Unis en Afghanistan, consécutif aux attentats du 11 septembre 2001, le pays n’est toujours pas pacifié, tant s’en faut. Les talibans, ces ex- « étudiants en religion » partisans d’un islam ultrarigoriste, y font toujours régner la terreur, comme vient de le rappeler l'attaque sanglante perpétrée le 21 avril contre une base militaire proche de Mazar-e-Charif, dans le Nord (au moins 140 morts), qui a entraîné la démission du ministre de la défense, Abdullah Habibi, et du chef d’état-major, le général Qadam Shah Shahim.

Malgré la présence « résiduelle » de 8 400 soldats américains, les autorités ne parviennent pas à reprendre durablement la main. Pire, elles cèdent du terrain. Plus d’un tiers du territoire national échapperait ainsi au contrôle de Kaboul. Même la capitale n’est pas épargnée : les enlèvements crapuleux s’y multiplient, non seulement contre les étrangers, mais aussi contre les Afghans.

Débordées, l’armée et la police nationales, frappées de déliquescence, sont confrontées à une menace tout autant qu’externe qu’interne. Il n’est pas rare en effet que des membres de ces deux corps retournent leurs armes contre leurs collègues. Un péril difficile à déceler...

A la gangrène des talibans, qui prônent un djihad confiné à la sphère nationale, s'ajoute un autre poison insidieux : l'EI. Lui privilégie ouvertement le djihad global tourné vers l’Asie centrale et ses « stans » (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan). Profitant de l'extrême fragilité de l’Etat et de ses institutions, « l’Etat islamique de la province du Khorasan » (ISKP), la franchise régionale de l’EI, cherche depuis 2015 à s’enraciner. Quitte à entrer en rivalité avec les hommes d’Haibatullah Akhundzada (le chef des talibans, désigné en mai 2016).

Partant de ce constat, la Russie plaide pour une alliance de raison avec les talibans contre l’EI, un scénario que refusent catégoriquement les Etats-Unis, au motif qu’il reviendrait à accorder une légitimité auxdits talibans et, partant, de l’influence dans les négociations de paix.

Washington, pour l’heure, semble préférer l’action concrète et unilatérale contre l’EI aux subtilités de la diplomatie à plusieurs bandes. En témoigne le récent largage de la GBU43/B, la « mère de toutes les bombes » – un engin de neuf tonnes, le plus puissant de tout l’arsenal non nucléaire –, au-dessus de la province orientale de Nangarhar, qui a fait 36 morts parmi les combattants djihadistes.

Au Pakistan aussi, l’Etat islamique s'efforce de s'implanter. Sa cible : les soufis et les chiites (environ 20 % de la population). Ces deux communautés, perçues comme hérétiques, sont également prises pour cible de façon récurrente par les diverses factions talibanes du « pays des purs » (TTP, Jamaat-ul-Ahrar...). Un défi permanent pour les hiérarques politiques et militaires, qui doivent avancer sur une ligne de crête entre défense des minorités et sauvegarde de la doxa sunnite...

 

  • Le Yémen ou « L’Arabie malheureuse »

De « l’Arabie heureuse » de jadis, il ne subsiste rien. Le Yémen d'aujourd'hui, au contraire, est une terre de malheur et de divisions tribales – comme la Libye, du reste. Cette tendance s’est encore aggravée depuis l'offensive militaire saoudienne lancée à la fin du mois de mars 2015.

En déclenchant chez son voisin yéménite l’opération « Tempête décisive » (rebaptisée un mois plus tard « Restaurer l’espoir »), le pouvoir de Riyad, soutenu par une coalition de pays arabes sunnites, escomptait se défaire rapidement des rebelles houthistes, adeptes du zaïdisme (l’un des trois courants du chiisme, avec le chiisme duodécimain et l’ismaélisme) et réputés proches des Iraniens ; des insurgés qui, depuis septembre 2014, se sont emparés de la capitale, Sanaa, ainsi que de larges pans du Nord, du Centre et de l’Ouest.

Las ! Le conflit perdure et s’embourbe. Comme souvent dans ces cas-là, la population en paie le plus lourd tribut. Sur les près de 8 000 victimes directes ou collatérales du conflit, plus de la moitié sont des civils.

Ce contexte volatil n’est pas pour déplaire à tout le monde. Les djihadistes d'Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA, née en janvier 2009 de la fusion entre les branches saoudienne et yéménite du réseau d’Ayman Al-Zawahiri) y trouvent matière à prospérer, en particulier dans le Sud et le Sud-Est. Leur terreau ? Le vide politico-institutionnel.

Depuis son investiture, au mois de janvier, Donald Trump a cependant décidé de prendre le mors aux dents. Et pour cause : outre-Atlantique, AQPA est considérée comme la franchise la plus dangereuse d’Al-Qaïda. Ainsi, le rythme des bombardements de drone, ces aéronefs sans pilote télécommandés à distance, s’est accéléré (il était déjà intense sous l'ère Obama). Washington collabore étroitement avec les Emirats arabes unis.

Conflit, sécheresse, manque de fonds, péril djihadiste : tous ces maux, qui frappent aussi la Somalie, de l’autre côté du golfe d’Aden, augurent d’un avenir en pointillés. D’autant que la focale des observateurs est braquée ailleurs, sur la zone syro-irakienne.

 

  • Le Soudan du Sud, jeune Etat moribond

Du Soudan du Sud non plus, la communauté internationale ne parle guère. Ou si peu. Et pourtant, le plus jeune Etat de la planète, né en juillet 2011 de la partition du Soudan (voulue et encouragée par les Etats-Unis) après plus de vingt ans de guerre civile (1983-2005), se porte mal.

Bien que le pays jouisse en théorie d'une certaine richesse grâce à ses importantes réserves pétrolières, en pratique, il est contraint de vivre sous perfusion étrangère. Pourquoi ? Parce que l’argent issu de l’or noir (environ 5 milliards de dollars par an) a été gaspillé par l’attitude prédatrice des dirigeants.

Depuis 2013, le conflit, pour l’heure inextinguible, entre les hommes du président Salva Kiir et ceux de l’ancien vice-président Riek Machar, évincé car soupçonné de fomenter un coup d’Etat – ce dont il s’est toujours défendu – ajoute au désordre national, plongeant un peu plus le pays dans le chaos.

 

Entre les belligérants, le duel, originellement axé sur l’accès à la manne pétrolière et aux ressources de développement, a pris un tour ethnique : d’un côté, les Dinkas (ethnie du chef de l’Etat), de l’autre, les Nuer (ethnie de son opposant). Au vu des violences perpétrées par chacun des deux camps (meurtres, viols, pillages), d’aucuns redoutent le déclenchement d’un génocide, comme celui, de sinistre mémoire, qui eut lieu au Rwanda, en 1994.

Outre le fait d'avoir déjà jeté sur les routes de l’exil des millions de citoyens (52 000 personnes ont pris la direction de l'Ouganda voisin rien qu'en janvier), ces troubles politiques et sécuritaires alimentent les difficultés économiques. Le Produit intérieur brut s’est contracté de 6,3 % en 2015 et l'inflation a atteint 380 % l'an dernier, d'après les chiffres de la Banque mondiale. A cela s'ajoute aussi l'état de famine, officiellement déclaré dans plusieurs régions du pays en février.

In fine, l'allégresse de l'indépendance a cédé le pas à un profond désespoir. Et l’impéritie des responsables, plus enclins à servir leurs intérêts que celui de la nation, couplée à l’impuissance de la Mission des Nations unies (Minuss) et de ses 13 000 hommes ne laissent que peu de place à l’optimisme. 

 

  • Le Venezuela et l’échec de la « révolution bolivarienne »

Il est loin le temps du « chavisme triomphant ». La « révolution bolivarienne », censée lutter à la fois contre la misère du peuple et contre l'impérialisme américain, ne fait plus recette. Aujourd'hui, le Venezuela est plus que jamais déchiré entre pro- et antichavistes (du nom de l'ancien président Hugo Chavez, de 1999 à 2013). Deux camps, deux hubris, deux postures radicalement antagonistes et impossibles à réconcilier.

Cette ligne de fracture, patente depuis de longs mois, est une nouvelle fois apparue en pleine lumière le 19 avril. Ce jour-là, l’opposition, majoritaire au Parlement depuis les élections législatives de décembre 2015, avait appelé à la « mère de toutes les manifestations ». Un appel auquel Nicolas Maduro et ses thuriféraires avaient répondu du tac au tac, en exhortant leurs propres partisans à organiser la « marche des marches ».

Le face-à-face n'a plus rien d'un combat à fleurets mouchetés. En l’espace de trois semaines, une vingtaine de personnes ont perdu la vie lors des manifestations réclamant des élections anticipées. Conscient qu’il commande toujours la fidélité des militaires (le chef de l’armée et ministre de la défense, Vladimir Padrino Lopez, a évoqué une « loyauté inconditionnelle »), Nicolas Maduro entend ne rien céder. De part et d'autre, une guerre d'attrition se met en place.

Pendant ce temps, le pays s’enfonce inexorablement dans l’abîme. Etouffée par la crise liée à la chute des cours du pétrole – qui fournit à l’Etat 96 % de ses recettes en devises – et à l’incompétence des autorités, la population souffre. Au fil des mois, l’accès aux médicaments et à la nourriture devient de plus en plus difficile, ce qui favorise le développement de la malnutrition.

Le « régime Maduro » se ressent aussi au niveau économique : l’inflation, hors de contrôle, progresse continûment. Elle pourrait atteindre 1 660 % cette année, selon les prévisions, pour le moins alarmistes, du Fonds monétaire international (FMI).

Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que la fronde populaire s’amplifie. Mais jusqu’où ira – et pourra aller – la résistance, incarnée notamment par Henrique Capriles Radonski ? La confusion règne. En attendant, sûr de sa puissance, le pouvoir a lancé de nouveaux slogans sur les réseaux sociaux. L’un d’eux célèbre « quatre ans de victoire et de loyauté » ; un autre qualifie le président d’ « indestructible ». Preuve, s’il en était besoin, que le régime est prêt à toutes les extrémités pour se maintenir en place.

 

  • Le Mexique face aux fléaux de la drogue et de la corruption

En arrivant au pouvoir, en 2006, le président Felipe Calderon avait promis une guerre totale contre les cartels de la drogue. Sa méthode ? S'appuyer sur les militaires. Onze ans plus tard, force est de constater que cette stratégie n'a pas été payée de retour. De fait, les affrontements entre narcotrafiquants demeurent quotidiens.

En certains endroits du pays, ils se sont même intensifiés. C'est notamment le cas dans l'Etat du Sinaloa (nord-ouest), naguère bastion du tristement célèbre baron Joaquin Guzman Loera, alias « El Chapo » (« le trapu ») – lequel a été arrêté l'an dernier et extradé vers les Etats-Unis en janvier 2017, où il doit répondre de dix-sept chefs d’accusation (trafic de drogue, délinquance organisée, blanchiment d’argent, achat d’armes illégales) émis par six Etats, dont celui de New York.

Plus au sud, le Veracruz, bordé par l'Atlantique, est lui aussi le théâtre d'une lutte acharnée pour le contrôle des filières de contrebande. Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que cette terre soit hostile, notamment aux journalistes. Plusieurs charniers ont été récemment mis au jour dans cet Etat, au point que le procureur Jorge Winckler a parlé d'un « immense tombeau ».

Bien souvent abandonnées à leur sort, les familles de disparus – regroupées au sein du collectif local Solecito – tentent d'obtenir des réponses. Mais les autorités ne leur facilitent guère la tâche, car elles-mêmes sont corrompues. L'arrestation de l'ex-gouverneur Javier Duarte, à la mi-avril au Guatemala, en est l'illustration patente. Il avait fui il y a six mois, peu après avoir démissionné sur fond d’accusations de blanchiment d’argent, de détournement de fonds et de collusion avec le crime organisé.

Pour le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre), auquel le président Enrique Peña Nieto appartient, le combat contre la prévarication est un défi de tous les instants. Le Parti d'action nationale (PAN, droite) se charge régulièrement de le lui rappeler, en le pressant d'imposer la tolérance zéro et de rendre – enfin – justice au peuple. Un vœu pieux ? 

 

Aymeric Janier

 

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