18 mai 2013
Le sujet, hautement abrasif, a resurgi de manière inattendue. Davantage enclin aux déclarations choc qu'à la rhétorique sirupeuse, le jeune (43 ans) maire populiste d'Osaka, Toru Hashimoto, a jeté un pavé dans le Pacifique en affirmant, mardi 14 mai, que les « femmes de réconfort » avaient été un « mal nécessaire » pour « maintenir la discipline militaire » dans les rangs japonais au cours de la Seconde Guerre mondiale. « Quand les soldats risquent leur vie sous la mitraille et que vous voulez leur procurer du repos, il est clair que vous avez besoin de ce système », a lancé sans ambages le codirigeant du Parti de la restauration du Japon (droite nationaliste). Tollé garanti, bien que l'édile, proche du premier ministre (conservateur) Shinzo Abe, ait offert de présenter ses excuses... trois jours plus tard.
En Asie, le cas des ianfu, ces femmes enrôlées par la force ou la ruse dans l'ex-Armée impériale afin d'assouvir les besoins sexuels de la soldatesque nippone, est, depuis plusieurs décennies, matière à débat et source d'échanges acrimonieux entre l'Archipel et ses voisins. Ces derniers accusent Tokyo de mettre sous le boisseau ses crimes de guerre et de vouloir « réécrire l'Histoire ». Selon les estimations – très fluctuantes – des historiens qui se sont penchés sur la question, entre 80 000 et 200 000 femmes auraient « servi les officiers japonais » dans des maisons closes de campagne. Ces esclaves de circonstance étaient, pour la plupart, originaires de Chine et de la péninsule coréenne, alors sous occupation, mais aussi des Philippines, des Indes orientales néerlandaises (Indonésie) et de Taïwan. Apparue en 1932 à Shanghaï, la pratique des « femmes de réconfort » – recrutées par des agents stipendiés par le régime sous le prétexte fallacieux de devenir infirmières, blanchisseuses ou ouvrières –, s'est accélérée après le début de la guerre sino-japonaise, en 1937.
Si la guerre du Pacifique a pris fin le 15 août 1945, lorsque le Japon a déposé les armes (1), les stigmates des « femmes de réconfort » n'ont pas disparu pour autant. De fait, les sévices subis ont laissé des traces, souvent ineffaçables, sur le plan physique (infertilité, maladies vénériennes), mais aussi psychologique. Beaucoup d'entre elles ne sont jamais parvenues à se reconstruire, ni à se marier et à fonder une famille. Les rares survivantes n'ont pas perdu l'espoir de recouvrer leur dignité. Un chemin long et cahoteux. En 1993, en effet, le Japon a présenté des excuses pour « la douleur et la souffrance incommensurables » infligées à ces femmes, mais a, dans le même temps, nié toute responsabilité officielle dans la conduite des maisons closes...
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(1) L’acte de capitulation sans conditions du Japon a été signé par le ministre des affaires étrangères, Mamoru Shigemitsu, le 2 septembre 1945 dans la baie de Tokyo, à bord du navire de guerre USS Missouri.