top of page
 

Le nouveau président élu de Somalie et ancien premier ministre, Mohamed Abdullahi Farmajo, s’exprime après sa victoire, le 8 février 2017, à Mogadiscio (Mustafa Haji Abdinur/AFP).

 

Repères

 

  • Superficie : 638 000 km².

  • Population : 12 millions  d'habitants.

  • Capitale : Mogadiscio.

  • Monnaie : le shilling somalien.

  • Fête nationale : le 1er juillet [en référence au 1er juillet 1960, lorsque les anciennes colonies italienne (la Somalie italienne ou Somalia) et britannique (Somaliland) s’allièrent pour former la République de Somalie, dont le premier président fut Aden Osman].

  • Communautés religieuses : musulmans sunnites (99 %), avec une multitude de confréries [l’islam est religion d’Etat, mais la liberté de culte est en principe garantie par la Constitution « provisoire » d’août 2012 (article 17). Le prosélytisme, en revanche, est strictement interdit].

 

 

 

Somalie : les lourds défis du nouveau président

10 février 2017

Il est celui que personne n'attendait. Mohamed Abdullahi Farmajo, 54 ans, a été élu mercredi 8 février président de la Somalie au deuxième tour d’un scrutin au suffrage indirect (seuls les 275 députés et 54 sénateurs étaient appelés à départager la vingtaine de candidats en lice) placé sous très haute sécurité, eu égard à la menace islamiste. Preuve en est, le vote s’est tenu à l’aéroport international de Mogadiscio, la zone la mieux protégée de la capitale. 

Ex-diplomate à Washington (1985-1989) et ancien premier ministre (d'octobre 2010 à juin 2011), le successeur d’Hassan Cheikh Mohamoud jouit d’une vraie popularité auprès de ses concitoyens. Peu après l'annonce de sa victoire, il a promis un « gouvernement pour le peuple » dont l’activité sera « fondée sur les besoins et les aspirations de la population ». Mais dans un pays miné par plusieurs décennies de guerre civile, les défis sont nombreux. « Relations internationales : États critiques » en a recensé trois. 

  • Circonscrire le danger des islamistes Chabab

 

Apparu en 2006, le groupe islamiste Harakat Al-Chabab Al-Moudjahidin (« mouvement de la jeunesse des moudjahidin »), plus connu sous le nom de « Chabab » (« la jeunesse »), aspire à renverser les autorités soutenues par les Nations unies pour installer à la place un Etat régi par la charia, la loi islamique. 

Le mouvement, rattaché à la nébuleuse Al-Qaïda depuis février 2012, a connu une ascension rapide. Entre 2008 et 2011, il est devenu si puissant qu’il contrôlait près des deux tiers du territoire du pays. Depuis, sous les coups de boutoir des forces de l’Union africaine (UA), il a cédé du terrain, mais son pouvoir de nuisance demeure prégnant. 

Maintes fois considérés comme moribonds par le pouvoir et, en écho, par les dirigeants occidentaux, les Chabab n’ont jamais disparu. En dix ans, ils ont multiplié les attaques : plus de 360, y compris au cœur de la capitale. Leur force, ils la puisent dans le terreau fertile, voire inépuisable, des rivalités claniques et de l'anarchie, laquelle prévaut depuis le renversement de l'autocrate Siad Barre, en janvier 1991. 

Aujourd’hui, le groupe, bien qu'en déclin, continue de harceler les forces loyalistes et l’Amisom (la mission de maintien de la paix de l’UA, forte de 22 000 hommes) à coups d'attentat-suicide et d'attentat à la voiture piégée. Parallèlement, par peur des « infiltrations », il mène à intervalles réguliers des purges au sein de ses propres rangs. Informateurs, mais aussi sympathisants de l’autoproclamé Etat islamique, l’organisation rivale, sont traqués et éliminés sans la moindre pitié. Il y a peu, quatre hommes reconnus coupables « d'espionnage » par un tribunal chariatique ont ainsi été décapités en public... 

Si les Chabab visent d'abord le pouvoir de Mogadiscio, le Kenya voisin représente aussi une cible, surtout depuis qu’il a envoyé des soldats les combattre sur le sol somalien, à l'automne de 2011. La sanglante attaque perpétrée contre l’université de Garissa, le 2 avril 2015 (148 morts, au moins 79 blessés) est là pour le rappeler. Le nouveau chef de l’Etat va devoir gérer ce dossier sécuritaire, sans doute le plus délicat.

  • Eradiquer le fléau de la corruption 

 

Parmi les autres tâches d’ampleur qui attendent Mohamed Abdullahi Farmajo figure la lutte contre la prévarication, un mal qui gangrène la classe politique. Le processus électoral qui vient de s’achever en est la triste illustration. Dans un rapport publié le 7 février, l’ONG somalienne Marqaati a d'ailleurs déploré le fait qu'il ait été « défiguré par la corruption »

« Lorsque des délégués refusaient d’accepter de l’argent ou de voter d’une certaine manière, ils étaient remplacés, intimidés, harcelés. Dans certains cas (...), on leur a tiré dessus. Pour comble d’insulte, certains candidats qui avaient été écartés pour s’être rendus coupables de corruption publique ou de violence ont été réintégrés, cependant que d’autres ont organisé des simulacres d’élections et l’ont emporté », affirme-t-elle. Des accusations également brandies par l’ONU elle-même...   

Nettoyer les écuries d’Augias ne se fera certes pas du jour au lendemain ni même à court terme. Mais M. Mohamed, détenteur de la double nationalité (somalienne et américaine), a la réputation d'être un homme intègre et compétent. Lors de son bref mandat de premier ministre, il avait ainsi introduit des soldes mensuelles pour les soldats et interdit tout voyage non essentiel à l'étranger pour les membres du gouvernement. Une tentative louable d’introduire un peu de saine gestion des comptes publics dans un système hautement perverti. 

Sa probité résistera-t-elle à l’épreuve du pouvoir ? C’est toute la question. Il lui faudra en tout cas patience et opiniâtreté : dans le classement 2016 de l’ONG Transparency International, la Somalie occupait la 176e et dernière place, derrière la Corée du Nord et le Soudan du Sud...      
  

  • Prévenir une nouvelle famine meurtrière

 

Aux maux de l’islamisme et de la corruption s’ajoute enfin un autre péril, potentiellement bien plus destructeur : la famine. Il y a six ans, elle avait tué entre 250 000 et 260 000 personnes. Aujourd’hui, du fait d’un épisode de sécheresse qui s’étend, surtout dans le nord du pays, la menace ressurgit. 

« Si nous ne faisons rien, nous aurons dans six mois une catastrophe et une nouvelle famine d’une ampleur difficile à imaginer », a prévenu le coordinateur de l’aide humanitaire de l’ONU en Somalie, le Néerlandais Peter de Clercq. « Le nombre de personnes ayant besoin d’aide alimentaire est passé de 5 à 6,2 millions [sur 12 millions d’habitants au total] depuis le mois de septembre », a-t-il précisé.     

Dans ce contexte, les Nations unies ont lancé un « appel massif et urgent » à toutes les bonnes volontés pour porter assistance à Mogadiscio. Sera-t-il entendu comme ce fut le cas pour l’Ethiopie en 1984-1985 ?   

bottom of page