top of page
 

Trois jeunes femmes célèbrent la victoire du  « non » au référendum sur l'indépendance de l'Ecosse vis-à-vis du Royaume-Uni, le vendredi 19 septembre 2014, à Edimbourg (Leon Neal/AFP).

 

 

Ecosse-Angleterre, une liaison tumultueuse

 

  • 1296 : le roi Edouard d’Angleterre traverse la frontière et s’autoproclame roi d’Ecosse. Avec Sir William « Braveheart » Wallace comme chef, les nobles écossais chassent l’occupant. Après la bataille de Bannockburn, en 1314, et la victoire finale des Ecossais, le pays s'engage dans trois siècles d'indépendance.

 

  • 1603 : à la mort d’Elizabeth Ire, Jacques VI, fils de Marie Ire Stuart (reine d’Ecosse de 1542 à 1567), devient roi d'Angleterre sous le nom de Jacques Ier.

 

  • 1707 : le Parlement écossais vote pour l’union avec l’Angleterre et se dissout. L'Acte d'Union entre l’Angleterre et l’Ecosse donne officiellement naissance au Royaume-Uni de Grande-Bretagne, avec un seul souverain, un seul gouvernement et un seul Parlement, à Westminster.

 

  • 1997 : né en Ecosse (à Edimbourg), Tony Blair, alors premier ministre britannique, propose un référendum sur la création d’un Parlement écossais doté de pouvoirs limités. Le « oui » l’emporte. Ce nouveau Parlement se réunit pour la première fois le 12 mai 1999.

 

  • Mars 2013 : Alex Salmond, le chef du gouvernement écossais et dirigeant du Scottish National Party (SNP, parti indépendantiste au pouvoir), annonce la tenue d’un référendum  sur l’indépendance de l’Ecosse pour le 18 septembre 2014. 

 

 

 

Ecosse : les stigmates du rêve indépendantiste

 

22 septembre 2014

 

Le séisme tant redouté par Londres n'a finalement pas eu lieu. Appelés à se prononcer jeudi 18 septembre par référendum sur l'avenir de leur pays au sein du Royaume-Uni, les quelque 4,3 millions d'électeurs écossais ont tranché contre l’indépendance, avec une majorité plus large (55,3 % contre 44,7 %) que ne laissaient augurer les derniers sondages. Jamais la participation à un scrutin n’avait été aussi élevée depuis l’instauration du suffrage universel dans le Royaume, en 1918 : 84,5 % des citoyens autorisés à voter se sont rendus aux urnes.   

 

Ce succès a néanmoins été obtenu dans la douleur. Il marque l’épilogue d’une campagne trépidante au cours de laquelle les partisans du « oui », cornaqués par le First Minister écossais, Alex Salmond, et ceux du « non » auront âprement ferraillé pour tenter de rallier les indécis à leur cause. In fine, l’Acte d’Union ratifié en janvier 1707, sous le règne de la reine Anne Stuart (1702-1714), est préservé. Au grand soulagement de Westminster et de la reine Elizabeth II qui, bien qu’ayant refusé d’intervenir officiellement dans le débat, n’avait pas caché en privé son effroi face à la perspective d’une partition.

 

La victoire des « unionistes » est aussi, par ricochet, celle de David Cameron. En autorisant à contrecœur l'Ecosse à organiser la tenue d’un référendum d’autodétermination, à la mi-octobre 2012, « parce que l’on ne peut en aucune façon garder en son sein un pays contre la volonté de son peuple », le premier ministre britannique pensait aller dans le sens de l'histoire. Surtout, il n'imaginait pas qu'au-delà du mur d'Hadrien, une partie non négligeable de la population pût éprouver le désir de mettre au rebut trois siècles d’union.

 

Au fil des mois, pourtant, le vent de l'indépendance s'est renforcé, alimenté par le fossé entre une Ecosse traditionnellement ancrée à gauche et des autorités londoniennes prônant ouvertement l’austérité. La brise des débuts s’est muée en tempête, balayant toutes les certitudes. A tel point que, dans la dernière ligne droite, les dirigeants des trois grands partis britanniques se sont résolus à une alliance de circonstance pour tenter d’éviter le naufrage.

 

Côte à côte, David Cameron le conservateur, Ed Miliband le travailliste et Nick Clegg le libéral-démocrate ont tu leurs divergences politiques pour soutenir un Royaume uni. Quitte à dramatiser outrancièrement l'enjeu. D’un côté, le bâton – quid de l’économie d’une Ecosse indépendante, de sa manne pétrolière, de sa monnaie, de son avenir au sein de l’Union européenne ? De l’autre, la carotte, à savoir la promesse de prérogatives accrues en cas de rejet du désarrimage (« dévolution »). Un cocktail qui aurait pu se révéler explosif, mais qui, au bout du compte, a réussi à faire pencher la balance en faveur du « non ».

 

David Cameron ne sera pas le fossoyeur de la Couronne. Conscient que les plaies nées de cette bataille électorale fratricide seront difficiles à refermer, il a plaidé, dès l’annonce des résultats, en faveur du « rassemblement ». « Le peuple écossais a parlé, sa décision est claire. Il est temps pour notre Royaume-Uni [qui, depuis 1801, regroupe l’Angleterre, l’Ecosse, le pays de Galles et l’Irlande du Nord] d’aller de l’avant », a-t-il déclaré sur le perron du 10, Downing Street. Politiquement, le chef du gouvernement a sauvé sa tête : nul doute qu’une victoire du « oui » eût, sinon provoqué sa démission, du moins sonné le glas de son espoir d'être reconduit dans ses fonctions lors des élections générales de 2015.  

 

A Bruxelles aussi, l'issue du vote a tiré aux hiérarques de l'UE un soupir d'aise. Même si, diplomatie oblige, ils se sont astreints à exprimer leur satisfaction en jouant les parfaits xyloglottes. Tel le président sortant de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, qui a indiqué, par voie de communiqué : « Ce résultat est bon pour l’Europe unie, ouverte et plus forte, que la Commission représente [...] Celle-ci continuera à s'engager dans un dialogue constructif avec le gouvernement écossais dans les domaines sous sa responsabilité et importants pour le futur de l’Ecosse, y compris l’emploi et la croissance, l’énergie, le changement climatique et l’environnement, et une réglementation plus intelligente. »

 

Il faut dire que, dans l'hypothèse où le « oui » l’aurait emporté, Edimbourg aurait dû faire acte de candidature pour (ré)intégrer l’UE, ainsi que le prévoit l’article 49 du Traité sur l’Union européenne. Une démarche longue et fastidieuse, qui n’aurait pas nécessairement abouti, l’accord unanime des autres pays membres étant requis, dont celui... du reste du Royaume-(dés)Uni.      

           

Certes, Alex Salmond a perdu son pari et en a tiré les conséquences en annonçant sa démission pour le mois de novembre. Mais, en touchant l’indépendance du doigt, l’Ecosse a pris le goût du large. David Cameron a affirmé que « le débat [était] réglé pour une génération ». Pas davantage. Ainsi que l’a montré le précédent du Québec, la question brûlante de l’union se reposera tôt ou tard. Une émancipation, même accrue, ne pourra pas retenir Edimbourg éternellement dans le giron du Royaume-Uni.

           

A travers l’Europe, l’exemple écossais a créé un appel d’air irrésistible. En Espagne, la Catalogne, qui pèse près de 20 % du PIB national, envisage elle aussi de tenir une consultation populaire le 9 novembre (jugée illégale par le Tribunal constitutionnel), contre la volonté de Madrid, qui invoque la Constitution de 1978 (1). Ailleurs, d’autres mouvements séparatistes, plus ou moins puissants, rêvent de liberté. C'est le cas des Flamands de la N-VA en Belgique, du Parti bavarois (Bayernpartei) en Allemagne ou de la Ligue du Nord en Italie, qui milite pour la création de la Padanie, laquelle regrouperait les régions septentrionales du pays, considérées comme beaucoup plus fortunées que celles du Mezzogiorno. Autant de bombes à retardement pour une Europe déjà gagnée par la balkanisation des esprits.    

                      

Aymeric Janier

 

* * *

(1) L’article 2 dispose que « la Constitution est fondée sur l'unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l'autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles ».

bottom of page