top of page

11 juin 2013​

Depuis 2010, l’Egypte et l'Ethiopie semblaient avoir trouvé un modus vivendi acceptable, évitant de part et d’autre d’inutiles bravades. Pourtant, les tensions liées au partage des eaux du Nil, pomme de discorde récurrente entre les deux pays depuis plusieurs décennies, ont récemment refait surface. A l’origine de ce nouveau contentieux bilatéral, la volonté affichée par Addis-Abeba de construire un barrage baptisé « Renaissance » sur le Nil Bleu (1), en amont de l’Egypte.​ ​

 

Aux yeux de l’Ethiopie, ce barrage, prévu pour avoir à terme une capacité de 6000 mégawatts (largement supérieure à celle du haut barrage d’Assouan, qui s’élève seulement à 2100 mégawatts), est d’une importance capitale. Grâce à lui, le pays, qui dispose du réseau hydrographique le plus dense d’Afrique après celui de la République démocratique du Congo (RDC), espère produire suffisamment d’électricité pour couvrir les besoins de ses 90 millions d’habitants.

 

A la fin du mois de mai, les autorités ont lancé les premiers travaux de dérivation du Nil Bleu sur 500 mètres. Cette initiative n’a pas manqué de susciter l’ire de l’Egypte. Le Caire a ainsi fait part de son opposition « à tout projet qui pourrait affecter le débit du fleuve en aval », et, partant, réduire « sa part du Nil (...) même d’une goutte ». « Nous ne sommes pas les avocats de la guerre, mais nous ne permettrons jamais que notre sécurité en matière d’approvisionnement en eau soit mise en péril », a averti le président Mohamed Morsi, lundi 10 juin. Menace à peine voilée...​ ​

 

Historiquement, la question du Nil est sensible, en particulier pour l’Egypte, qui lui doit beaucoup. Le grand historien grec Hérodote n’a-t-il d’ailleurs pas écrit, au Ve siècle avant notre ère, « l’Egypte est un don du Nil » ? Conforté par deux traités datant de 1929 et 1959, qui lui accordent un veto sur tout projet en amont contraire à ses intérêts (2), le pays estime qu’il possède des « droits historiques » inaliénables sur le fleuve. En 1979, déjà, le président Anouar El-Sadate avait brandi le spectre de la guerre pour préserver ces « acquis ». Un attachement d’autant plus vital que 86 % des eaux qui irriguent le pays proviennent du Nil Bleu, dont dépend étroitement l’agriculture égyptienne.

 

Au sein de la classe politique égyptienne, les diatribes se sont multipliées à l'encontre du projet éthiopien. Ayman Nour, chef du parti libéral Al-Ghad, a ainsi appelé à faire pression sur l'Ethiopie, au besoin en « s’ingérant dans ses affaires intérieures ». Quant à Younès Makhyoune, président du parti salafiste Al-Nour, il est allé encore plus loin, suggérant sans ambages de soutenir les rebelles éthiopiens... Impavide, Addis-Abeba a affiché sa détermination à poursuivre son projet. Et d'insister, poliment mais fermement, sur le fait que la construction du barrage ne dépendait en aucune façon « de la volonté de politiciens égyptiens ». Objet de toutes les convoitises, le Nil n’en a pas fini de créer de furieux remous diplomatiques...

 

* * *

(1) Le Nil Bleu rejoint le Nil Blanc à Khartoum pour former le Nil, qui serpente à travers le Soudan puis l’Egypte, avant de se jeter dans la mer Méditerranée. (2) Ces projets sont contestés par la majorité des autres pays du bassin du Nil, dont l’Ethiopie, qui ont conclu un traité distinct en mai 2010 leur offrant la possibilité de développer des projets sur le fleuve sans avoir à solliciter l'aval de l'Egypte.

La guerre du Nil aura-t-elle lieu ?

(1)
bottom of page