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25 juin 2013

Ce fut l'une de ses toutes premières promesses en tant que 44e président des Etats-Unis. A peine installé à la Maison Blanche, Barack Obama s’était engagé par décret, le 22 janvier 2009, à fermer le centre de détention de Guantanamo « dans un délai d’un an ». Soucieux de renvoyer aux yeux du monde l’image d’une Amérique transfigurée et moralement irréprochable, il voulait aussi se démarquer de la politique intransigeante de son devancier républicain, George W. Bush, n’hésitant pas à en appeler aux mânes des Pères fondateurs. Quatre ans et demi plus tard, pourtant, « Gitmo » est toujours là.​ ​

 

Ouverte le 11 janvier 2002 – quatre mois après les attentats du 11-Septembre – afin d’y incarcérer ceux que George W. Bush avait qualifiés de « combattants ennemis » des Etats-Unis, la prison de Guantanamo, sise dans le sud de Cuba (1), abrite encore 166 prisonniers (2). Parmi eux, 86 ont été jugés libérables (des Yéménites, pour l'essentiel), tandis que 46 sont en « détention illimitée » – un régime sans inculpation ni procès, réservé aux individus les plus dangereux comme Khalid Cheikh Mohammed, cerveau autoproclamé des attaques de New York et Washington. Les autres sont en attente d’un procès avec, peut-être, l’espoir d’un élargissement.

 

Soumis à de vives pressions, notamment au sein de sa famille politique, Barack Obama a réitéré, il y a quelques jours, sa détermination à faire de Guantanamo le symbole du passé, et non de l’avenir. « J’estime que fermer Guantanamo montrerait que nous abandonnons cette mentalité de guerre perpétuelle », a-t-il déclaré mercredi 19 juin, en marge de sa visite à Berlin. Un coup de patte à peine dissimulé à son prédécesseur et, plus largement, à ses adversaires républicains... Preuve de cette « nouvelle donne », le président avait nommé, deux jours plus tôt, Clifford Sloan, un brillant avocat washingtonien, comme nouvel émissaire du département d’Etat, en remplacement de Daniel Fried, dont l’Office of Guantanamo Closure (bureau chargé de la fermeture de Guantanamo) était vacant depuis la fin du mois de janvier.

 

Ce volontarisme assumé se heurte néanmoins à une froide réalité politique. A la faveur d’un récent vote, la Chambre des représentants, dominée par les républicains, a ainsi rejeté, par 249 voix contre 174, un amendement demandant la fermeture du centre de détention à la fin de 2014. De quoi singulièrement compromettre les visées du président. A l’obstacle du Congrès, régulièrement taxé d’obstructionnisme – à raison, mais sans doute aussi par commodité – s’ajoutent les propres atermoiements moraux du locataire de la Maison Blanche.

 

Depuis l’orée de son premier mandat, Barack Obama est tiraillé entre la nécessité de préserver la sécurité du territoire américain et celle, non moins fondamentale, de ne pas restreindre les libertés citoyennes. Un exercice d’équilibrisme hautement périlleux qu’il avait résumé d’une phrase, en mai 2009, lors d’un face-à-face tendu avec l’ancien vice-président Dick Cheney [partisan des techniques d’interrogatoire « musclées » de la CIA] : « Je suis convaincu, dans chaque fibre de mon être, que nous ne pouvons protéger ce pays si nous ne joignons pas la puissance de nos valeurs les plus fondamentales ».

 

Pour ajouter encore à la complexité de cet écheveau, les autorités américaines sont confrontées depuis février à un vaste mouvement de grève de la faim amorcé par certains prisonniers en signe de protestation contre leur statut, jugé kafkaïen. Depuis, le vent de fronde a essaimé : 104 détenus y participent désormais, dont 44 ont perdu tant de poids que les médecins doivent les alimenter de force au moyen de sondes naso-gastriques. Un traitement qui soulève moult questions éthiques (l’ONU l’assimile à de la torture) et accentue un peu plus la pression sur les hiérarques de l’administration. Barack Obama parviendra-t-il à effacer le « trou noir » qu’est Guantanamo ? Pour l’heure, en tout cas, il donne davantage l’impression d’être lui-même... prisonnier de cette chausse-trappe politico-juridique.

 

* * *

(1) Aux termes d’un accord paraphé en février 1903 par Theodore Roosevelt et Tomás Estrada Palma, premier président de la République de Cuba (de 1902 à 1906), les Etats-Unis jouissent d’un bail perpétuel sur une surface de 117 km2 (dont 49 km2 de terre ferme) à l’entrée de la baie de Guantanamo.

(2) Depuis 2002, 779 détenus ont transité par les camps X-Ray, Iguana et Delta.

 

Guantanamo, le casse-tête d'Obama

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