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Le président sortant de l'Angola, José Eduardo dos Santos (à gauche), et le candidat du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) à sa succession, João Lourenço, lors d'un rassemblement de campagne, à Luanda, le 19 août 2017 (Marco Longari/AFP).

 

Repères

 

  • Superficie  1 246 700 km².

  • Population : 28,3 millions d’habitants (selon l’Institut national de la statistique d'Angola).

 

  • Capitale : Luanda.

  • Monnaie : le kwanza.

 

  • Fête nationale : le 11 novembre (en référence à la proclamation d’indépendance du 11 novembre 1975 vis-à-vis du Portugal).

 

  • Communautés religieuses : chrétiens (90 %), croyances traditionnelles (10 %).

 

 

 

Angola : João Lourenço à l’épreuve de l’après-Dos Santos

25 août 2017

Sa patience et sa loyauté ont fini par être récompensées. Tardivement, certes, mais récompensées tout de même. A 63 ans, le général à la retraite João Lourenço s'apprête à devenir président de l’Angola, tournant ainsi la page du règne léonin – commencé en... septembre 1979 – de José Eduardo dos Santos, qui l’avait adoubé comme son dauphin et successeur.

    

Le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), dont il porte les couleurs, a récolté plus de 64 % des suffrages lors des élections générales qui se sont déroulées mercredi 23 août, loin devant ses adversaires de l’Unita (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) et de la Casa-CE, crédités respectivement de 24 % et 8,5 % des voix, selon la Commission nationale électorale (CNE). Des chiffres contestés par l'opposition, qui affirme avoir « des résultats différents » de ceux rendus publics par la CNE.        

Homme du sérail nourri au marxisme-léninisme – il a étudié l’histoire en URSS de 1978 à 1982 –, d’un tempérament discret, M. Lourenço, qui était jusqu’à présent ministre de la défense, hérite d'un pouvoir qui, en l’espace de trente-huit ans, a été détenu et façonné par un autre. Près de quatre décennies à la tête de l’Etat : en Afrique, la longévité présidentielle de M. dos Santos n’est actuellement surpassée que par Teodoro Obiang Nguema, qui dirige la Guinée équatoriale sans partage depuis août 1979.   

  

Pendant cette période, le « Zedu » (le surnom de José Eduardo dos Santos, formé à partir de la contraction de ses deux prénoms) s’est arrogé une autorité considérable, au point de devenir tout-puissant. Parti, armée, police, justice, économie, médias : tous les pans institutionnels de l’Angola sont tombés sous sa coupe – conséquence d’un mode de gouvernement autoritaire, conjugué à des talents avérés de stratège.

    

Désormais, João Lourenço reprend le flambeau. Une relève qui s'annonce d'ores et déjà périlleuse, dans la mesure où le pays du sud-ouest de l’Afrique est exposé à plusieurs défis.

 

  • Redresser une économie en crise

 

Après la guerre civile, qui a fait rage de 1975 à 2002 au prix de 500 000 morts, l’Angola s’est reconstruit pas à pas. Ses nouvelles fondations ont été bâties sur le pétrole et, dans une moindre mesure, le diamant. Du fait de sa richesse en matière d’hydrocarbures – avantage précieux qu’il partage avec le Nigeria en Afrique subsaharienne – le pays a prospéré. En 2014, le produit intérieur brut (PIB) s’élevait ainsi à 126,8 milliards de dollars, soit autant que ceux de l’Ethiopie, du Kenya et du Rwanda réunis.

 

Las ! La chute des cours de l’or noir survenue cette année-là a considérablement grevé les perspectives nationales. Le prix du baril, qui était d’environ 104 dollars, a chuté de moitié en un an, ce qui a fait fondre la manne pétrolière, du reste très inégalement répartie. L’enrichissement de l’élite s’est fait au détriment du reste de la population qui, engluée dans la pauvreté, a bien du mal à s'en extraire et en éprouve une frustration grandissante. La croissance, elle, s’est évaporée, passant de 6,8 % en 2013 à 0 % en 2016, d’après la Banque mondiale.       

S’il veut créer une dynamique favorable et surtout durable, João Lourenço va devoir s’atteler à repenser en profondeur le modèle économique national, en privilégiant l’investissement et la diversification. Outre la réduction des inégalités de revenus et du chômage, qui dépasse 20 %, il lui faudra aussi se colleter avec une autre mission de prime importance : assurer le développement à la fois territorial (le déséquilibre entre zones urbaines et zones rurales est prégnant) et humain.       

Ce dernier point apparaît d'autant plus fondamental que la jeunesse du pays représente l'essentiel de la population (en 2015, près de 64 % des habitants avaient moins de 25 ans, selon les chiffres de l'Unicef) ; une jeunesse beaucoup plus sensible aux possibilités d’emploi qu’au passé mythifié du MPLA, le parti-Etat, et de ses caciques. 

  • En finir avec la corruption

Dans ses discours de campagne, João Lourenço a régulièrement promis de « rendre l’Angola meilleur », et notamment de « lutter contre la corruption ». Mais la tâche semble ardue, voire herculéenne, dans la mesure où le système lui-même est intrinsèquement fondé sur la prévarication et le népotisme. 

 

Preuve en est, avant d’accorder (par défaut) son onction à João Lourenço, José Eduardo dos Santos avait d’abord privilégié l’option dynastique en tentant de « mettre en orbite » son fils, José Filomeno de Sousa dos Santos. Une manœuvre qui s’était soldée par un échec du fait de l’hostilité des vieux cadres du MPLA. « L’héritier empêché » n’a toutefois pas de quoi se plaindre puisqu'il dirige depuis juin 2013 le fonds souverain du pays, doté de 5 milliards de dollars (environ 4,2 milliards d'euros). 

Et que dire de sa demi-sœur Isabel dos Santos ? A 44 ans, elle se trouve à la tête d’un empire dont les tentacules s’étirent dans de nombreux secteurs : l’or noir, bien sûr – à travers la Sonangol, la société pétrolière nationale, dont elle détient les rênes depuis juin 2016 –, mais aussi le ciment, la banque, l’immobilier ou encore les télécommunications. Une situation qu’elle doit largement à son père et qui l’a propulsée au rang de femme la plus riche d’Afrique. Le magazine économique américain Forbes évalue sa fortune personnelle à près de 3,5 milliards de dollars (3 milliards d'euros).

A la coterie dirigeante opulence et prébendes, au menu peuple impécuniosité et portion congrue. L’organisation non gouvernementale Transparency International en rend compte d'ailleurs de manière éloquente : dans son dernier classement sur la perception de la corruption dans le monde, l'Angola occupe la 164e place (ex æquo avec l’Erythrée, la « Corée du Nord de l’Afrique ») sur 176 pays.    

  • Maintenir l’unité du pays... et du parti 

De l’aveu même des experts reconnus de l’Angola, le principal accomplissement de José Eduardo dos Santos est d’avoir su préserver l'unité du pays, après la guerre féroce que se sont livrée le MPLA – à l'origine prosoviétique, aujourd’hui converti au capitalisme sauvage – et l’Unita. Il est également parvenu à faire du MPLA, dont il conservera la direction jusqu’en 2022, une formation hégémonique ayant pour seul objectif sa propre perpétuation.       

João Lourenço marchera-t-il dans ses pas ? Il est loisible de le penser. D’ailleurs, l’intéressé lui-même n’a témoigné aucune volonté particulière de s’écarter de la doxa du parti : « Nous allons poursuivre le travail qu’Agostinho Neto [le premier président de l’Angola indépendant, de 1975 à 1979] a engagé dans le passé et que le président dos Santos a lui-même continué jusqu'à aujourd'hui », a-t-il assuré. 

« C’est un militaire à la mentalité hiérarchique : il donne les ordres, les autres obéissent », remarquait il y a peu le rappeur Luaty Beirão, une figure de l’opposition. Il reste à savoir si cette poigne sera aussi ferme que celle de son prédécesseur et jusqu'à quel point ce dernier consentira à s'effacer. S'il continue de tirer les ficelles en coulisse, alors il est probable que le statu quo prévaudra.  

Un constat s'impose en tout cas : le MPLA est traversé par diverses lignes de faille – entre régions, entre grandes familles, entre Noirs et métis. Jusqu’à présent, celles-ci ne se sont pas creusées car le système dos Santos y veillait. A présent que le « camarade numéro un » est sur le départ, il n’est pas exclu qu’elles s'accentuent. La crise économique, catalyseur de mécontentement, pourrait y contribuer au premier chef.      

           

Aymeric Janier  

Pour aller plus loin : Magnificent and Beggar Land : Angola since the Civil War (Hurst, mars 2015, non traduit, 288 pages), de Ricardo Soares de Oliveira, professeur de politiques comparées à Oxford.

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