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Des images de propagande fournies par l'autoproclamé Etat islamique (EI) montrent des membres de l'organisation djihadiste paradant dans une rue de la ville côtière libyenne de Syrte (à 500 km à l’est de la capitale Tripoli), le 18 février 2015 (Welayat Tarablos/AFP).

 

Fiches d'identité des principales organisations terroristes islamistes

 

Etat islamique

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  • Naissance: octobre 2006

  • Chef: Abou Bakr Al-Baghdadi, « calife » autoproclamé de tous les musulmans (depuis le 29 juin 2014), sous le nom d’Ibrahim

  • Idéologie: salafisme djihadiste, takfirisme (excommunication des impies), panislamisme, anti-occidentalisme et antichiisme

  • Objectif: établissement d’un califat mondial avec application stricte de la charia, la loi islamique

  • Zone d’opération: très large, elle englobe de nombreux pays, sur plusieurs continents

  • Magazines: Dabiq, Dar Al-Islam (pour le public francophone)

 

 

Boko Haram

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  • Naissance: 2002

  • Chef: Abubakar Shekau

  • Idéologie: salafisme djihadiste, takfirisme, anti-occidentalisme

  • Objectif: création d’un Etat islamique au Nigeria, où s’appliquerait la charia

  • Zone d’opération: Nigeria (en particulier le nord-est du pays), Cameroun, Niger, Tchad

 

Al-Qaïda dans la péninsule Arabique

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  • Naissance: janvier 2009, après la fusion des branches saoudienne et yéménite d’Al-Qaïda

  • Chef: Qassem Al-Rimi (il succède à Nasser Al-Wahishi, tué par une frappe de drone dans le sud-est du Yémen, le 12 juin)

  • Idéologie: salafisme djihadiste, panislamisme

  • Objectif: instauration d’un califat islamique (après avoir souhaité au départ le renversement de la monarchie saoudienne)

  • Zone d’opération: Yémen, Arabie saoudite

  • Magazine: Inspire

 

Chebab

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  • Naissance: 2006

  • Chef: Ahmed Umar Abou Oubaïda (depuis septembre 2014)

  • Idéologie: salafisme djihadiste

  • Objectif: création d’un Etat islamique en Somalie, où s’appliquerait la charia

  • Zone d’opération: Somalie, Kenya

 

 

Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry (à gauche), serre la main du ministre des relations extérieures de la République de Cuba, Bruno Rodriguez Parrilla, lors d’une rencontre, le 14 août 2015 à La Havane (Yamil Lage/AFP).

 

 

Des migrants débarquent sur l’île grecque de Lesbos après avoir traversé la mer Egée depuis la Turquie, le 4 décembre 2015 (Aris Messinis/AFP).

 

 

Deux Iraniennes tiennent un portrait du ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, et font le « V » de la victoire après l'annonce de la signature de l’accord historique sur le nucléaire iranien, le 14 juillet 2015, dans le nord de Téhéran (Atta Kenare/AFP).

 

 

Une jeune fille passe devant une maison incendiée par les islamistes de Boko Haram à Zabarmari, un village de pêcheurs et d’agriculteurs proche de Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria, le 3 juillet 2015 (AFP).

 

 

Le chef de l’armée birmane, le général Min Aung Hlaing, salue la dirigeante de la Ligue nationale pour la démocratie, Aung San Suu Kyi, le 2 décembre 2015 à Naypyidaw (Hein Kyaw/AFP). 

Bilan géopolitique : 2015, année noire du terrorisme islamiste

 

9 décembre 2015

 

Plus encore que 2014, l’année 2015 aura été marquée par le sceau du terrorisme islamiste ; un terrorisme hybride, ultraviolent et qui se joue des frontières internationales comme autant de lignes Maginot. Au centre de cette toile mortifère, tissée avec minutie et machiavélisme, se trouve un acteur devenu le point de mire de tous les regards et la hantise des puissances occidentales : l'organisation Etat islamique (EI).

 

Depuis la proclamation de son « califat », à la fin du mois de juin 2014 après la prise – presque sans coup férir – de Mossoul, la deuxième ville d'Irak, le mouvement djihadiste dirigé par Abou Bakr Al-Baghdadi n’a cessé d’étendre son assise territoriale. Il contrôle aujourd’hui un vaste espace à cheval sur l’Irak et la Syrie, dont la superficie est à peu près comparable à celle de la Jordanie et sur lequel vivent environ dix millions de personnes.

 

Au fil des mois, les ambitions de l’EI ont muté. Locales à l’origine, elles sont aujourd’hui internationales. Avec une stratégie claire : frapper « l’ennemi lointain », et si possible le ventre mou que représente le continent européen. En cela, Daech [acronyme arabe de l’EI] ne fait que suivre la ligne tracée il y a plus de dix ans déjà par le Syrien Abou Moussab Al-Souri, un ancien conseiller d’Oussama Ben Laden.

 

En 2004, dans son « Appel à la résistance islamique mondiale », un opus de 1 600 pages, ce théoricien du djihad livrait sans détour ses noirs desseins : semer le chaos en Occident grâce à de petites cellules clandestines indépendantes, ce qui, par ricochet, nourrirait l’ire des populations contre la minorité musulmane, créant un climat de guerre civile. Depuis le début de l’année, ce « discours de la méthode » aux accents apocalyptiques a été repris sur le terrain par les zélotes de l’EI. Avec un macabre succès, comme l’atteste la triste litanie des tueries commises hors du « califat ».

 

De l’attaque visant l’hôtel Corinthia de Tripoli (Libye) en janvier (9 morts) aux attentats de Paris et de Saint-Denis le 13 novembre (130 morts, 350 blessés), en passant par ceux perpétrés contre le musée du Bardo (22 morts en mars) et à Sousse (39 morts en juin) en Tunisie, l'EI a fait de la terreur son mode d’expression. Parmi ses autres cibles : l’Egypte, le Liban, l’Arabie saoudite ou encore la Turquie, nonobstant la posture équivoque d'Ankara.

 

Les exécutions sordides, par décapitation ou crucifixion, de « mécréants » – dialectique dont use et abuse l’EI pour disqualifier tout ce qui contrevient à sa vision littéraliste de l’islam – participent aussi de sa volonté d’instiller la peur chez ses ennemis « impies ». Journalistes japonais, Coptes égyptiens ou encore chrétiens éthiopiens ont subi cette violence sans limite, ineffable, qui semble attirer des recrues de tous horizons prêtes à faire leur hijra [l’émigration vers le « califat »].

 

Car l’Etat islamique est devenu la nouvelle « franchise de référence », une source d’inspiration pour tous les salafistes djihadistes de la planète. Une sorte d'Al-Qaïda qui aurait réussi, avec la même finalité – instaurer un califat mondial fondé sur l’application rigoureuse de la charia, la loi islamique – mais une matrice beaucoup plus développée.

 

De fait, l’EI, même s’il présente des similitudes avec son aînée, la surpasse en tout. Par sa puissance, grâce à un trésor de guerre de plusieurs milliards de dollars alimenté par les trafics (pétrole, antiquités, stupéfiants, êtres humains) et l’extorsion systématique sous couvert de taxes prétendument islamiques. Par sa cruauté, comme l'ont montré les images insoutenables des derniers instants de Maaz Al-Kassasbeh, ce pilote de chasse jordanien brûlé vif dans une cage en acier. Par sa capacité, aussi, à s’implanter sur un territoire propre. Les hiérarques d’Al-Qaïda, eux, ont toujours été dépendants de l’hospitalité de leurs protecteurs talibans, en Afghanistan et au Pakistan.

 

Ce qui différencie enfin l’EI de la nébuleuse aujourd’hui dominée par Ayman Al-Zawahiri, c’est sa maîtrise aiguë des codes de la communication moderne. Ses publications, à l’instar des magazines en ligne Dabiq et Dar Al-Islam (« Demeure de l’islam »), possèdent une  esthétique soignée et s’adressent à un public très précis. Ses vidéos, émaillées d'effets spéciaux et de récits « héroïques » sur fond de chants religieux, ressemblent à s'y méprendre à des bandes-annonces de films de guerre...

 

L'organisation prise également les réseaux sociaux, dont elle connaît l’effet amplificateur. Son principal mode de communication interne ? Telegram, une messagerie sécurisée où les échanges sont cryptés. Tous ces outils contribuent, non seulement à véhiculer sa propagande, mais aussi à lui offrir une formidable caisse de résonance.

 

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que l’Etat islamique, dont les combattants se compteraient par dizaines de milliers, ait réussi à fédérer derrière lui un large panel d’organisations terroristes. En quelques mois, les ralliements se sont multipliés, dont ceux du mouvement nigérian Boko Haram, en mars, et de l’émirat du Caucase, en juin.

 

Fort de ces allégeances, qui ne sont pas totalement dénuées d'arrière-pensées financières et logistiques, l’EI cherche à étendre sa zone d’influence. Il essaie aussi, depuis quelques semaines, de prendre pied dans la zone afghano-pakistanaise et d’y imprimer sa marque, quitte à marcher sur les brisées des talibans.

 

Ce puzzle éclaté sur plusieurs continents ne facilite guère la tâche des puissances engagées dans une lutte à mort contre l’Etat islamique. Mais le véritable nœud gordien se situe au Moyen-Orient, et plus précisément en Syrie. Là-bas s’affrontent des forces aux intérêts contradictoires liés, non pas à l’EI, mais au sort du président alaouite (chiite) Bachar Al-Assad : la Russie et l’Iran le soutiennent, la Turquie et l'Arabie saoudite veulent sa chute.

 

Et pour complexifier un peu plus la donne s’ajoutent d’autres lignes de faille, entre chiites iraniens et sunnites saoudiens, mais aussi entre Moscou et Ankara, dont la relation est glaciale depuis qu’un chasseur-bombardier russe a été abattu par l’aviation turque, le 24 novembre, près de la frontière syrienne. Guerre de mots et d’egos entre le « tsar » Vladimir Poutine et le « sultan » Recep Tayyip Erdogan. Le maître du Kremlin a même accusé son homologue turc et sa « clique » d'être impliqués dans la contrebande pétrolière avec l'EI.

 

Sur ce théâtre des ambitions et des frictions, pas facile pour l'Occident de trouver sa juste place. D'autant qu'il s'agit de porter le fer et le feu en terre d'islam. Bâtir une coalition unie contre les hommes en noir nécessite moult contorsions diplomatiques. Plus « ouverte » depuis que ses intérêts ont été visés dans le Sinaï, vraisemblablement par l'EI, la Russie a, pour un temps sans doute, mis en sourdine son combat contre les insurgés anti-Assad.

 

Quant aux Américains, ils se sont dits prêts à s'investir plus avant, en renforçant le déploiement de forces spéciales sur le front syro-irakien. Mais de là à ce que les deux pays, en froid depuis la crise ukrainienne, coopèrent étroitement, il y a un grand pas, qui n'a pas encore été franchi. En dépit de l'engagement récent du Royaume-Uni et de l'Allemagne (dans un rôle de soutien plutôt qu'offensif), l'entente parfaite demeure un vœu pieux.

 

L'Etat islamique, pendant ce temps, sème les germes du chaos et du fanatisme en Libye. Profitant de ce que le pays est en jachère politico-institutionnelle depuis la mort de Mouammar Kadhafi, en octobre 2011, il espère y prospérer à la faveur d'alliances locales de circonstance. D'après l'ONU, il disposerait d'environ 3 000 combattants sur place. A Syrte, ex-bastion kadhafiste, les décapitations publiques ont commencé et les stations de radio locales ne diffusent plus de musique. Une situation qui, bien sûr, nourrit l'inquiétude des Etats voisins, au premier rang desquels la Tunisie, à l'ouest.

 

La Libye sera-t-elle la prochaine terre de conquête de l'EI ? Ce scénario serait désastreux pour le Vieux Continent, l'île de Malte, premier pays européen, n'étant qu'à 500 kilomètres des côtes libyennes... La question qui agite aujourd'hui les états-majors politiques et militaires mondiaux est de savoir comment éradiquer efficacement l'EI.

 

Tous les experts sérieux s'accordent à dire que la seule force militaire ne suffira pas, quand bien même les pays arabo-musulmans choisiraient d'intervenir au sol en Irak et en Syrie. Il faudra aussi s'attaquer à son idéologie – que le wahhabisme saoudien a contribué à répandre à coups de pétrodollars –, tarir ses sources de financement et éradiquer ses cellules dormantes. Une gageure ? Le défi s'annonce délicat à relever. L'Europe, en effet, est confrontée à une vague migratoire sans précédent depuis la seconde guerre mondiale ; un flux humain dont il y a fort à parier que l'Etat islamique saura se servir pour mieux infiltrer les « terres ennemies ».

 

* * *

 

« UNE ANNÉE DANS LE MONDE »

 

AMÉRIQUES

 

Si, à l'instar de ses alliés, le président américain, Barack Obama, n'a pas encore trouvé la martingale face aux hordes méphistophéliques de l'Etat islamique, il peut à tout le moins se targuer d'avoir rétabli officiellement les relations diplomatiques de son pays avec Cuba, l'ennemi héréditaire depuis la révolution castriste de 1959.

 

Ce coup d'éclat, obtenu grâce à l'entregent du Vatican, demeurera l'un des succès diplomatiques de son second mandat. L'île communiste reste toutefois soumise à l'embargo imposé en février 1962 par John Fitzgerald Kennedy (décret présidentiel n°3447). Seul le Congrès a désormais le pouvoir de le lever. Mais, étant dominé par des républicains hostiles à tout compromis avec La Havane, il y a fort à parier qu’il fera obstacle à cette perspective.

 

Sur le plan intérieur, la course à la présidentielle de novembre 2016 est déjà lancée : côté démocrate, Hillary Clinton – battue en 2008 par Barack Obama lors de la primaire du parti – espère devenir la première femme à obtenir l'investiture suprême ; côté républicain, le milliardaire iconoclaste Donald Trump s'affiche comme un candidat « antisystème », multipliant les provocations sur les juifs, les musulmans, les migrants mexicains... Ce qui ne l'empêche pas de séduire une large frange de l’électorat conservateur.

 

La plupart des observateurs de la scène politique américaine estiment cependant que son aura va fondre à mesure que les choses sérieuses vont commencer. La situation devrait se décanter après les premiers « caucus» [rassemblement de militants chargés de désigner les délégués d'un Etat], en février, dans l'Iowa.

 

En Amérique du Sud également, la popularité est une notion fluctuante. Celle de Dilma Rousseff, la présidente du Brésil, est à son nadir. Un peu plus d'un an après sa réélection de justesse face à Aécio Neves, l'héritière de « Lula » fait face à une double fronde, populaire et politique. L'opinion gronde, mécontente d'une situation économique déliquescente (explosion du chômage et de la dette, baisse de la croissance...). Sur l'année, la contraction du Produit intérieur brut devrait avoisiner les 4 %.

 

A cela s'ajoute le scandale de corruption autour de la major pétrolière Petrobras et de plusieurs grandes entreprises du bâtiment et des travaux publics, qui a rejailli sur le Parti des travailleurs (gauche). Depuis le 2 décembre, Dilma Rousseff est en outre visée par une procédure de destitution pour avoir supposément maquillé les comptes publics en 2013. La fin d’un cycle...

 

L’Argentine voisine, elle aussi, vient de tourner une page de son histoire politique. La défaite de Daniel Scioli, candidat du Front pour la victoire (gauche) à l’élection présidentielle du 22 novembre, a sonné le glas de douze années de « kirchnérisme » (avec Nestor Kirchner, d'abord, de 2003 à 2007, puis avec sa femme Cristina, à partir de 2007), mélange de péronisme et de progressisme.

 

Le nouveau chef de l’Etat, le libéral Mauricio Macri, se veut réformateur. Il souhaite notamment promouvoir une révolution copernicienne au niveau diplomatique, avec, en ligne de mire un rapprochement avec l’Europe, les Etats-Unis et le bloc du Pacifique [qui regroupe le Mexique, la Colombie, le Pérou et le Chili] aux dépens du Venezuela.

 

Buenos Aires hors de la « sphère bolivarienne » ? Pas de quoi rassurer le président Nicolás Maduro, alors que le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) vient d'essuyer une cinglante défaite aux élections législatives du 6 décembre – une déroute inédite depuis l'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez, en 1999. La cohabitation entre le PSUV et la coalition d'opposition, la Table de l'unité démocratique (MUD), s'annonce houleuse. « Nous avons perdu une bataille, mais la lutte et la révolution continuent », a d’ailleurs lancé le chef de l'Etat en guise d'avertissement.

 

EUROPE

 

Toujours considérée par la plupart des réfugiés comme un eldorado où ils auront droit à une nouvelle chance, l’Europe a été cette année soumise à une énorme pression migratoire, plus forte sans doute qu’elle ne l’a jamais été dans un passé récent. Fuyant, qui la guerre (Irakiens, Syriens, Afghans...), qui la misère et la répression (Erythréens, Ethiopiens...), plusieurs centaines de milliers de personnes ont tenté de rejoindre le Vieux Continent par la mer, sur des embarcations de fortune.

 

Si certains y sont parvenus, d’autres ont échoué. Longtemps, l’Union européenne a tergiversé sur la manière de composer avec cette crise. Devait-elle honorer sa tradition d’hospitalité ou, au contraire, rompre avec elle ? C’est une photo, celle d'un petit Syrien de trois ans nommé Aylan Kurdi, retrouvé mort au début du mois de septembre sur une plage de Bodrum (Turquie), qui lui a dessillé ses yeux, la poussant à réagir.

 

Dans la foulée, l’UE a adopté des quotas de répartition des réfugiés entre Etats membres selon leur population. Une initiative qui, encore aujourd’hui, suscite des crispations, notamment en Europe centrale (la Slovaquie et la Hongrie de Viktor Orban y sont farouchement opposées pour des questions de souveraineté nationale).

 

Rétive, elle aussi, à l’accueil des réfugiés, du moins dans un premier temps, l’Allemagne a finalement changé de cap. Cette volte-face a valu à la chancelière Angela Merkel, fustigée quelque temps plus tôt pour son attachement au dogme de l’austérité, quelques critiques acerbes, y compris de son propre camp – l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et sa « sœur jumelle » bavaroise, l’Union chrétienne-sociale (CSU), encore plus conservatrice.

 

Depuis les attentats du 13 novembre dans l’agglomération parisienne, cependant, l’heure est à la prudence. La « route des Balkans » se ferme et les pays de l’UE sont appelés à surveiller davantage leurs frontières. La Grèce, « porte d’entrée » du continent, est en première ligne et, à ce titre, sous la loupe de la commission de Bruxelles. Ce qui ferait presque oublier ses déboires financiers de l’été, lorsque le premier ministre de gauche radicale, Alexis Tsipras, multipliait (en pure perte) les rodomontades pour éviter à son pays une douloureuse ascèse financière afin de redresser l’économie hellène...

 

En creux, la délicate question de la libre circulation des individus sur le sol européen – notion sanctuarisée par les accords de Schengen entrés en vigueur en 1995 – est de nouveau posée.

 

MOYEN-ORIENT

 

Rarement marathon diplomatique aura duré aussi longtemps. Après douze années de négociations fiévreuses, Téhéran et les puissances occidentales du groupe dit des « 5+1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni + Allemagne) ont signé, le 14 juillet à Vienne (Autriche), un accord encadrant le programme nucléaire iranien. Objectif : empêcher la République islamique de se doter de l’arme atomique.

 

Salué par la communauté internationale, mais vilipendé par Israël qui y voit un marché de dupes autant qu’une menace existentielle, cet accord d’une centaine de pages repose sur trois piliers : une limitation du programme nucléaire iranien pendant au moins une décennie, une levée des sanctions internationales contre l’Iran et un renforcement des contrôles sur les infrastructures nucléaires, à l'image des sites de Bouchehr, Fordow et Natanz.

 

Grâce à cette avancée, l'ancienne Perse, qui a consenti à faire un pas vers le « Grand Satan » américain, revient dans le jeu diplomatique mondial après avoir subi les lourdes conséquences financières de son ostracisme. Reste à savoir si cela entraînera également des assouplissements idéologiques sur le plan social. Le face-à-face entre les « durs », incarnés par l’ayatollah Ali Khamenei – le véritable maître et, partant, décisionnaire du pays – et les « modérés », représentés par le président Hassan Rohani, n’en est peut-être qu’à ses prémices.

 

Vieil ennemi du régime des mollahs, l’Arabie saoudite, elle, a connu une année agitée. En janvier, Salmane ben Abdelaziz Al-Saoud, 79 ans, a succédé à la tête du royaume wahhabite à son demi-frère Abdallah, disparu à l’âge de 90 ans des suites d’une pneumonie. Deux mois plus tard, Riyad, appuyé par une dizaine d’Etats, lançait une offensive aérienne au Yémen (opération « Tempête décisive ») afin de rétablir dans ses fonctions le président sunnite Abd Rabbo Mansour Hadi, chassé du pouvoir par les miliciens houthistes (chiites) venus du Nord. In fine, cette intervention aura surtout fait le jeu d’Al-Qaïda dans la péninsule Arabique, dont l’emprise sur Aden, ne cesse de croître, à la faveur du vide politique et sécuritaire qui règne dans la deuxième ville de l’ex-« Arabie heureuse ».

 

A l’intérieur des frontières, foin de libéralisme : les amputations, décapitations et autres lapidations se poursuivent à un rythme soutenu. Seule note positive : les femmes ont pu pour la première fois voter et se présenter comme candidates aux élections municipales du 12 décembre. Si l'accès à des fonctions électives (modestes) et à l’éducation leur est autorisé, elles n'ont, en revanche, toujours pas le droit de conduire. Une incongruité unique au monde, reflet du rigorisme qui prévaut au pays des Saoud...

 

Un Etat autoritaire, peu regardant sur les libertés individuelles et toujours prêt à réduire à quia l’opposition, notamment kurde, c’est aussi l’orientation prise par la Turquie. Lors des élections législatives anticipées du 1er novembre, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) a retrouvé la majorité absolue qu’il avait perdue quatre mois plus tôt – une première en douze ans d’exercice du pouvoir. De quoi laisser à Recep Tayyip Erdogan, de plus en plus animé par des velléités de « néo-ottomanisme », les coudées franches pour assouvir son désir « d’hyperprésidentialisation » du régime.

 

En Israël, enfin, l'insubmersible Benyamin Nétanyahou, figure de proue de la droite conservatrice, a encore une fois triomphé de ses adversaires et des sondages pour s’adjuger à la mi-mars un quatrième mandat de chef du gouvernement. Ce succès n'efface toutefois pas l’échec du processus de paix avec les Palestiniens, au point mort depuis un an. Après l'intifada (soulèvement, en arabe) des pierres, de 1987 à 1993, puis celle des attentats suicides, de 2000 à 2005, une troisième intifada – des couteaux, cette fois – se dessine. La perspective de deux Etats vivant en paix côte à côte est-elle définitivement à ranger au rayon des espoirs défunts ?

 

AFRIQUE

 

Terre d’opportunités, dans laquelle les grandes puissances se pressent pour investir, l’Afrique n’en demeure pas moins un continent en proie à moult déchirures. Aux tensions interconfessionnelles qui obèrent l’avenir de certains pays – à commencer par la République centrafricaine, tiraillée entre milices anti-balaka, majoritairement chrétiennes et animistes, et jeunes musulmans armés – s’ajoute le poison du terrorisme.

 

Depuis son entrée en fonction, à la fin du mois de mai, le nouveau président du Nigeria, Muhammadu Buhari, un ancien général, a promis d’en finir avec les islamistes de Boko Haram. Mais les hommes liges d'Abubakar Shekau ont le cuir tanné et résistent à la force mixte internationale mise en place au milieu de l'été pour les éradiquer. Loin d’être aux abois, ils ont même étendu leur périmètre d’action, naguère circonscrit au nord-est nigérian, aux trois anciennes colonies françaises que sont le Tchad, le Cameroun et le Niger. Depuis 2009, l’insurrection djihadiste a causé la mort d'au moins 17 000 personnes et entraîné le déplacement de plus de 2,5 millions d'autres.

 

La Corne de l’Afrique, elle non plus, n’est pas épargnée par le fanatisme islamique. Bien qu’ayant été chassés de Mogadiscio à la mi-2011, puis de leurs principaux bastions du centre et du sud de la Somalie, les Chebab contrôlent toujours de larges zones rurales du pays, en guerre civile depuis 1991 et la chute du dictateur Siad Barre. En perpétuelle évolution, ils ont troqué le combat conventionnel pour des actions de guérilla jusqu’au cœur de la capitale.

 

Le Kenya voisin, dont l’armée est engagée sur le théâtre somalien, est également régulièrement pris pour cible, comme l’a encore prouvé le massacre perpétré le 2 avril sur le campus de l’université de Garissa (148 morts, 79 blessés).

 

Au Burkina Faso, à l'inverse, l'horizon s'éclaircit. Un an après le renversement de Blaise Compaoré, la phase de transition, émaillée par un coup d’Etat militaire rapidement étouffé à la mi-septembre, s'est achevée dans le calme. Le scrutin présidentiel du 29 novembre – premières élections libres et transparentes depuis 1978 – a été remporté dès le premier tour par Roch Marc Christian Kaboré, avec plus de 53 % des voix. Ex-baron de l'ancien régime, celui-ci a promis de « créer les conditions de lendemains meilleurs ». De bon augure pour l'avenir du « pays des hommes intègres ».

 

L'optimisme semble également de mise en Côte d'Ivoire, où Alassane Dramane Ouattara a été reconduit sans heurts pour un second mandat avec... 83,6 % des voix. « ADO » doit désormais s'atteler à deux défis majeurs : réconcilier une classe politique toujours morcelée et mieux redistribuer les fruits d'une croissance enfin retrouvée.

 

ASIE-PACIFIQUE

 

Les revirements de l'Histoire sont parfois inattendus. Qui eût cru, il y a quelques années encore, qu'Aung San Suu Kyi, opposante historique à la junte birmane, serait autorisée à se présenter à une élection démocratique et qu'elle remporterait celle-ci haut la main ? C'est pourtant ce scénario inattendu qui s'est produit lors du scrutin législatif du 8 novembre. La Ligue nationale pour la démocratie, dirigée par la Prix Nobel de la paix 1991, s'est imposée avec panache, ouvrant la voie à la première transition politique apaisée de l'histoire du pays. Une revanche sur plus d'un demi-siècle de domination exclusive et impitoyable des militaires.

 

Reste que l'armée, qui, en vertu du système actuel, dispose mécaniquement de 25 % des sièges des deux chambres du Parlement, n'est pas près de renoncer à ses prérogatives, et notamment à sa mainmise sur les ministères clés que sont la défense, l'intérieur et les frontières. Surtout que les combats se poursuivent avec les insurgés dans plusieurs Etats, dont le Shan (Nord), limitrophe de la province chinoise du Yunnan.

 

Très appréciée de ses concitoyens, Aung San Suu Kyi fait preuve d’une bonne volonté certaine, comme l’atteste sa récente rencontre avec le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing, pour promouvoir la « réconciliation nationale ». Mais, aussi louables que soient ses intentions, la « Lady » ne pourra pas briguer l’investiture suprême, la Constitution l’en empêchant au motif qu’elle a été mariée à un étranger.

 

Ouverture ici, fermeture là. En Thaïlande, l'heure est au musellement des voix dissonantes. Depuis le coup d’Etat du 22 mai 2014, après plusieurs mois de manifestations contre le gouvernement élu de Yingluck Shinawatra, le général Prayuth Chan-ocha cloue au pilori quiconque ose le défier. La censure, féroce, s’abat sur tous les opposants. Les artistes qui, dans leurs œuvres, prônent la transgression ne sont pas épargnés. Conséquence directe du fossé qui sépare pro- et antimonarchistes, les poursuites pour « crime de lèse-majesté » se multiplient (la figure du roi est considérée comme sacro-sainte et, partant, intouchable).

 

La junte a annoncé que des élections en bonne et due forme, censées rendre le pouvoir aux civils, ne seraient pas organisées avant septembre 2016. Argument invoqué ? Des réformes préalables sont nécessaires. La Constitution est d’ailleurs en cours de réécriture. Alors que la situation économique se dégrade, l’ex-Siam peut-il renouer avec la stabilité ?

 

L'apaisement ne semble en tout cas pas à l’ordre du jour en mer de Chine méridionale. Ces derniers mois, Pékin, qui revendique sa souveraineté sur la quasi-totalité de cette étendue de 3,5 millions de kilomètres carrés – l'une des routes maritimes commerciales les plus stratégiques du globe –, s’applique à y créer îles et îlots artificiels. Au risque de heurter la susceptibilité à fleur de peau de ses voisins (Japon, Philippines, Vietnam, entre autres), inquiets de ses appétits irrédentistes.

 

La marine américaine elle-même a mené certaines incursions dans cette zone, provoquant l’ire « mesurée » des hiérarques chinois. Faut-il craindre une conflagration aux conséquences potentiellement ravageuses ? Cela est peu probable, tant Chinois et Américains ont partie liée d’un point de vue économique. Bien sûr, l’inconnue qui pourrait remettre en cause cette belle équation existe. Elle tient en un mot : nationalisme.

 

Aymeric Janier

 

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